Réflections sur une société moderne, quelque part entre arts du cirque et théâtre…
Oubliez tout ce que vous avez toujours su ou cru savoir sur le cirque. Et tant qu’on y est, oubliez également ce que vous pensiez du théâtre. Parce que pendant que vous étiez en train de vous faire votre opinion, ces deux arts évoluaient main dans la main pour donner naissance à un spectacle qui se tient actuellement à Paris, au Montfort, en attendant de s’installer au 104.
Ni cirque, ni théâtre… Alors que dit-on ? Spectacle vivant ? Performance ? Cirque moderne ? Peu importe le terme, c’est bien en sensations, en ressenti, en images, que s’exprimeront le mieux vos sentiments à la sortie de « De Nos Jours (Notes on the Circus) », la tranche d’ailleurs imaginée par Ivan Mosjoukine.
Si c’est un joli nom, il y a problème : Ivan Mosjoukine est en fait une grande figure du cinéma russe du début du 20ème siècle. « Le plus marquant du cinéma russe d’avant la Révolution », à en croire sa page Wikipédia. Avant d’exceller dans le cinéma muet français.
Ivan Mosjoukine, c’est également le nom qu’ont choisi de se donner les quatre artistes qui ont mis sur place ce spectacle constitué de 78 notes ou mini-réflexions sur, grossièrement, le sens de notre vie – à ce que j’en ai compris. Plus précisément, la vacuité de nos existences, les valeurs de base de notre société, le rapport à autrui, notre perception de notre vie…
Petit à petit, les ficelles qu’ils tirent commencent à dessiner le tapis volant sur lequel on s’apprête à voyager
Erwan Ha Kyoon Larcher, Vimala Pons, Tsirihaka Harrivel et Maroussia Diaz Verbeke ont tous des noms bizarres, vous en conviendrez. Peut-être ces mêmes noms les ont-ils poussé à les honorer en devenant eux-mêmes des personnages originaux ? Toujours est-il que, chacun avec leurs spécialités, ils nous proposent un spectacle drôle, fin et tout à fait surprenant, constitué de scénettes qui se répondent, s’entremêlent et s’interpellent pour former au final un spectacle de deux heures duquel on ressort souriant, interloqué, et remué, ce genre de « remué » que l’on ressent lorsque l’on est touché par quelque chose dont nous ignorions l’existence.
Lors des premières « notes », on se demande un peu où le collectif veut en venir… Mais petit à petit, les ficelles qu’ils tirent commencent à dessiner le tapis volant sur lequel on s’apprête à voyager et au bout d’un moment, sans même s’en rendre compte, on se retrouve transportés, à acquis à leur cause que nous ne saurions définir avec des mots seuls.
Des acrobaties, des moments de vie, un juke box, une échelle, une corde... Tous les éléments qui constituent le décor de la pièce sont sur scène et prennent vie en même temps que les notes de réflexion proposées évoluent. Avec énormément d’humour et un message que l’on assimile pratiquement de façon subliminale, on voit peu à peu – sur le programme qui nous a été donné et qui répertorie les notes, à regret, la fin approcher…
La dernière scénette, qui met en scène en une minute chrono l’existence d’une personne et ses téapes importantes, de sa naissance à sa mort, est d’une puissance incroyable. Lucide et drôle, le spectacle a tout de même des airs désenchantés, comme désabusé par la nature humaine, comme en témoignent les dernières notes inscrites sur le susnommé programme (de souvenir) : « note sur le salut des comédiens », « note sur le départ du public », « note sur l’échange à propos d’un spectacle », « note sur un souvenir », « note sur une image forte », « note sur l’oubli »…
A tous ceux qui apprécient se faire surprendre, chaude recommandation de « De Nos Jours (Notes on the Circus) », ce genre de moments dont vous aimez vous rappeler que vous les avez vécus.
« De Nos Jours (Notes on the Circus) »
Le Montfort, 106 rue de Brançion, 75015
Jusqu’au 27 Octobre