La chronique de Jean Rouzaud.
Les fausses nouvelles ne datent pas d’hier. La Guerre de 1914-18 fut un délire parfait pour une avalanche de « fake news ».
Marc Bloch, héros sur-décoré de la guerre, historien (et futur grand résistant, abattu par la Gestapo en 1944), avait fait un livre de réflexions et un sujet d’études sur les « mentalités », dès 1921, frappé par cette propension au n’importe quoi…
Il n’était pas le seul : à peine le premier conflit mondial terminé, plusieurs penseurs se sont interrogés sur la quantité de fausses infos qui n’avaient cessé de paraître pendant la guerre.
Marc Bloch est un spécialiste des sociétés du Moyen-Âge, a écrit sur les rois et leurs légendes, mais aussi les serfs, les seigneurs, cette sociologie de l’histoire le travaille, il sait que l’histoire reste à corriger !
Il va fonder les Annales d’histoire économique et sociale, puis être rejoint par d’autres historiens comme Fernand Braudel ou Emmanuel Leroy Ladurie et, dans sa démarche nouvelle, commencer sa « psychologie du témoignage » afin d’améliorer la vérité des faits…
À la base de chaque mensonge ou déformation, il y a des « mentalités »
Il est sans doute sidéré par tous les bruits les plus fous, qui couraient encore ; car avec la guerre, journaux et radios étaient devenus le quotidien des gens, et leur expansion est énorme. Lui, sent l’importance du sujet.
Marc Bloch nous affirme qu’à la base de toutes légendes, mensonges ou déformation, il y a des « mentalités », croyance locales ou nationales, des tendances et des a priori tous prêts à être utilisés…
Il conseille d’utiliser toutes sortes de sources (il avait raison de ce méfier des historiens) et d’utiliser Art, objets, tout ce qui peut éclairer ou témoigner. Ses études médiévales sont encore en vigueur.
Les éditions Allia ressortent ce petit essai : Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre, dont le style et les exemples rétros, nous prouvent que déjà les médias s’en donnaient à cœur joie (Bloch cite tous ceux qui, comme lui, tentent de comprendre…)
Ce « doute méthodique », ces études, devaient permettre de déceler, puis de comprendre le système, cette mécanique du mensonge !
On s’étonne presque devant ces esprits choqués, et quand même indignés par ces dérives. Ils découvraient quotidiens et radios (et l’histoire elle-même) et voulaient intervenir scientifiquement !
Aujourd’hui, blasés et cyniques, certains s’en moquent en riant, pourtant les fausses nouvelles déclenchent jusqu’à des guerres (Vietnam, Irak…) Et l’histoire est encore réécrite par les vainqueurs…
Ceux qui, comme Marc Bloch, voulaient analyser les fragilités de l’information avaient bien raison, car on patauge encore dedans !
Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre. Par Marc Bloch. Éditions Allia. 50 pages . 6 euros 20.
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