Dans le sillage des « Garçons sauvages » de Bertrand Mandico, cette psychanalyste parisienne prophétise une mutation fertile : les hommes auront leurs règles et les femmes « des glands robustes ». Prêt.e.s ?
« – Tanguy. – Oui ? – J’ai des seins qui poussent. » L’Île-aux-Robes ne figure sur aucune carte. Luxuriante et nimbée d’arbres à lait phalliques, elle encourage les métamorphoses et ouvre de nouveaux possibles. La seule façon de s’y rendre – à moins de regarder de trop près l’anatomie d’un rugueux capitaine hollandais – reste d’aborder, plus de deux ans après sa sortie en salles, le premier long-métrage du Français Bertrand Mandico, Les Garçons sauvages. Au début du XXe siècle, cinq adolescents de bonne famille, cravatés, railleurs, indisciplinés, ayant tué par sadisme leur professeure de français, sont envoyés sur le pont d’une « croisière sans équipage » censée les remettre dans le droit chemin. Mais rien ne se passe comme prévu, au fil d’une odyssée dépravée tournée sur les plages de sable noir de la Réunion.
Enchantement diamanté, terriblement sexy, transporté par l’interprétation troublante de cinq actrices androgynes, le film est un voyage érotique et psychédélique que l’auteur présente comme une « bouture impossible » entre Jules Verne et William Burroughs. Sur cette terre ensorcelante, les garçons sauvages deviendront non pas filles, mais autres : leurs pénis tombent comme un fruit pourri, tandis que leurs désirs gagnent en épaisseur.
On retrouve cette idée dans l’utopie hermaphrodite formulée par la psychanalyste parisienne Delphine Arnould. Première surprise, née de nos pollutions : dans son futur, « la nature aura digéré tous nos déchets pharmaceutiques. L’humus sera chargé d’antibiotiques, les plantes suinteront de pommades apaisantes, les océans et les mers seront des concentrés d’antidépresseurs, d’anxiolytiques et de neuroleptiques, les vents diffuseront agréablement des antalgiques. La douleur disparaitra du vivant. ». Oh ? « À force d’avoir lavé nos mains dix fois par jour, les antiseptiques et désinfectants auront tout imbibé. Même les recoins les plus crasseux des toilettes d’autoroutes, des étables et ou décharges sauvages seront aseptisés. Aux oubliettes les microbes, les infections, les maladies ! »
Et ce n’est pas fini. Car « on aura tellement abusé de contraceptifs que les nappes phréatiques seront gorgées d’hormones mâles et femelles. » Conséquence : les humains vont muter. « Les hommes auront tous de vrais nibards. Barbe et moustache lâcheront prise au fond du lavabo. Les verges seront vagins, les testicules ovaires, les menstrues affaire d’hommes. Les clitoris reprendront leur pousse et les fameux boutons de roses laisseront place à des glands robustes. Les grandes lèvres formeront de véritables bourses. Les épaules s’élargiront et les pectoraux triompheront des soutiens-gorges (…) Les fluides trouveront là où se nicher dans des utérus nouvelle génération. L’hermaphrodisme fondera notre nouvelle identité. » Tu vois le genre ? Ben non, y en a plus !
Pour écouter Bertrand Mandico déshabiller ses Garçons sauvages, c’est là : https://www.nova.fr/?p=27861
Image : Les Garçons sauvages, de Bertrand Mandico (2018).