« Le sein alerte », cette plasticienne, poète et dessinatrice nantaise échafaude une joyeuse apologie du bricolage à dimension collective, avant de nous inciter à construire « un extracteur à tristesse ».
« La chute / Lente / Le décordé / Le corps / Lentement / Le qui monte plus / Plus dure sera l’ascension / Qui prend fin / La tension / La corde molle / La corde dure / La corde au cou / À la taille / à la taille de qui… » C’était en octobre dernier, aux cafés littéraires de Montélimar. Une randonnée immobile de dix minutes avec la plasticienne, poète et dessinatrice nantaise Delphine Bretesché, étirant les motifs escarpés de la triste formule d’Emmanuel Macron, lors de sa première interview télévisuelle post-élection, cimentant son image de président des riches :« Je crois à la cordée, il y a des hommes et des femmes qui réussissent parce qu’ils ont des talents, je veux qu’on les célèbre (…) Si l’on commence à jeter des cailloux sur les premiers de cordée, c’est toute la cordée qui dégringole. »
Formée aux Beaux-arts de Nantes, l’artiste posait pas à pas, parfois mot à mot, son contre-poème sur le culte de l’ascension. « Corps et corde / Tirée d’où / Tirée vers / Où / L’haut / L’en haut / Que t’auras jamais / Jamais / Autrement / Qu’au-dessous / À voir les culs / Du dessus / Ceux qui grimpent / Les mains / Arrachées / Grimpe / Grimpe / Grimpe / Avec tes dents / Celles qui te restent / Grimpe / Grimpe / Grimpe / T’auras marché sur / Suffisamment / Grimpe / Grimpe / Grimpe / De têtes / Peut-être / Pour imaginer… » Dans les crevasses de ce texte vivifiant à paraître aux éditions Apocope accompagné des dessins de Clara Djian et Nicolas Leto, il est aussi question de « léchage des culs du dessus », des « miettes aux petits chiens », mais également, ça alors, en contrebas, de « ceux qui s’allient », qui ont quitté l’ascension « depuis longtemps » et qui apprennent à « marcher ensemble ».
Grimpant cette fois à bord de notre arche (dont elle « flatte les flancs »), Delphine Bretesché poursuit son éloge du collectif en échafaudant une joyeuse apologie du bricolage, nous rendant capables de « changer l’âme de la charpente » de la société en éliminant à la hache, s’il le faut, « les bêtes qui rongent le monde ». Avant de nous inviter à à construire, comme dans les bandes dessinées de son héros Gébé, « un extracteur à tristesse », apte à « vidanger plusieurs kilos de chagrin ».
Pour voir Delphine Bresteché performer Premiers de cordée en solo intégral, c’est là.
Visuel © Le Schtroumpf bricoleur, d’après Peyo.