Sculpter le minéral. Façonner, comme une affirmation, un défi lancé à la finitude, la confrontation faite oeuvre du putrescible avec le tellurique, de l’esprit mortel avec la matière immortelle. De Rothéneuf au Mont Rushmore, des têtes olmèques aux jizô japonais, de Pygmalion, mythe superlatif de l’art statutaire grec, aux énigmatiques moaï pascuans, des sphinx aux bouddhas aux Vénus paléolithiques aux menhirs aux david aux christs rédempteurs, voilà une préoccupation qui a hanté l’humain sous bien des latitudes et des millénaires.
Un art riche de significations auquel s’est également voué, plus près de nous, le sculpteur périgourdin Denis Monfleur. Vingt ans après ses Paysages d’humains qui s’étaient déployés à la galerie Le Troisième Oeil, le revoici à Bordeaux, au Musée des Beaux-Arts, pour une exposition multidimensionnelle baptisée Peuples de pierre.
Multidimensionnelle, elle l’est à plusieurs égards. Question d’échelles, capables de tutoyer l’intime comme l’imposant, l’humble comme le considérable. Question de familiarités, de proximités, oscillant entre différences et correspondances. Question, aussi, de temps et de matière, qui croisent leurs feux, travaillant la tension qui électrise les rapports de l’immuable et du mutant, tels deux silex qu’on entrechoquerait. Il y a tout cela au fil de ces deux cents oeuvres taillées dans la roche, les laves, les orgues basaltiques, le granit, la diorite. Un peuple de statues, abruptes présences minérales, âpres et hétéroclites, aux visages déconcertants et à la parole arrêtée juste avant le dicible, étonnante parfois de polychromie – des gris bien sûr mais aussi des oranges, des blancs, des bleus – et de patines aussi, tantôt polies, tantôt balafrées, grenues, tantôt émaillées, avec une application et une technique qui forcent le respect.
Ainsi, après avoir installé quelques-unes de ses Monumentales en plein centre-ville bordelais, Denis Monfleur compile et continue son exploration des possibilités qu’offrent l’art ancestral de la taille directe. Une tradition qu’il perpétue en talentueux compagnon du compas et du burin, en la mêlant aux influences de Louise Bourgeois et de Brancusi, de Richier et de Chillida, de l’art brut et de l’art roman ; une élaboration créative entreprise à bonne distance des mondanités, lui qui a par exemple passé le confinement du printemps 2020 dans une résidence un peu particulière : une usine de taille de pierre, désertée par ses ouvriers et devenue un gigantesque atelier solitaire, derrière le Puy-de-Dôme, dans une ambiance post-apo, machines à l’arrêt, figées dans le silence – un silence de pierre, évidemment.
Mais il convient de ne pas se taire et d’ajouter quelques mots sur les petits cadeaux que Nova Bordeaux vous offre : des billets d’entrée, eh oui, ainsi que des beaux catalogues d’exposition, à gagner par l’intermédiaire du formulaire ci-dessous, avec le mot de passe Nova Aime.