Le visage d’un mouvement désincarné présenté dans Néo Géo.
« Monsieur le président, la déclaration commune sino-britannique est un traité contraignant inscrit aux Nations Unies. Mais après 22 ans, la Chine tourne le dos à ses obligations. L’option “un seul pays, deux systèmes” est sur le point de mourir. »
Voilà les mots prononcés par l’activiste et chanteuse hongkongaise Denise Ho, le 9 juillet dernier à la tribune de l’ONU. Un discours de quelques minutes, régulièrement interrompu par les deux représentants de la Chine, qui, comme dans les procès américains, faisaient objection à la plupart de ses propos.
Il faut dire que Denise Ho, popstar reconvertie en activiste, s’adressait aux membres de l’institution internationale pour leur demander de sanctionner la Chine, qui selon elle bafoue ses engagements. Ceux qui garantissaient une indépendance de Hong Kong vis-à-vis de la justice chinoise et ainsi une certaine forme de démocratie dans la ville sous souveraineté chinoise. C’est le fameux : « un pays deux systèmes », qui selon Denise Ho, touche à sa fin.
Il faut dire que depuis ce traité signé en 1997, le régime communiste a raboté petit à petit nombre des libertés hongkongaises, jusqu’à une proposition de loi qui a mis la ville-état sous souveraineté chinoise debout. Une loi d’extradition qui aurait permis de juger les citoyens hongkongais dans les opaques tribunaux chinois.
Visage d’un mouvement désincarné
La contestation hongkongaise qui a débuté au mois d’avril dernier est volontairement désincarnée, pour éviter les arrestations de ses leaders, car c’est cela qui avait mis fin à la révolte de 2014.
Denise Ho avait déjà soutenu d’ailleurs, cette « Révolution des parapluies », ce qui lui avait valu sa première arrestation. Depuis, le régime communiste n’a cessé de la faire payer, demandant aux marques et aux plateformes musicales de rompre leurs contrats avec elle. Superstar depuis les années 2000, ses revenus auraient baissé de 80% ces cinq dernières années. Mais Denise Ho aime à dire : « Je préfère vivre honnêtement qu’être riche ».
Née à Hong Kong, Denise Ho a grandi au Québec et est rentrée au pays au moment de sa passation chinoise, pour faire carrière dans la cantopop, ou HK pop, la musique populaire de Hong Kong. Le succès ne se fait pas attendre. À la fin des années 90, elle gagne un concours de chant et se retrouve prise sous l’aile d’une autre grande chanteuse, Anita Mui, qui déjà, avait soutenu la révolte de Tienanmen en 89. Dès ses débuts, sa passion pour la musique est indissociable de son engagement politique.
Surtout que Denise Ho est homosexuelle et elle a l’habitude d’être attaquée de toutes parts depuis qu’elle a fait son coming out en 2012. Icône queer et révolutionnaire dans une société conservatrice, Denise Ho produit peu de musique depuis qu’elle s’est engagée politiquement, mais a chanté tout l’été ses plus grands tubes pour porter la cause du peuple hongkongais, qui veut définitivement s’émanciper du joug chinois. Comme à Oslo, en juillet dernier, où après une explication des mouvements révolutionnaires, elle a interprété un morceau dont on pourrait traduire le titre par « Après l’heure la plus sombre », l’histoire d’une foule qui voit apparaître les premiers rayons de soleil après la nuit la plus sombre qu’elle ait connue.
Un portrait signé Clémentine Spiler, diffusé dimanche 8 septembre dans Néo Géo. Néo Géo c’est tous les dimanches sur Nova avec Bintou Simporé et en podcast sur Nova.fr.
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