C’est quoi un bon patron ?
Celui qui obtient des résultats spectaculaires pour son entreprise ou celui qui pend en considération le bien-être de ses employés ? À moins que ce soit celui qui maîtrise à la perfection l’art du storytelling et de la communication. Celle de Philippe Ginestet, propriétaire des magasins GIFI parti de peu, mais arrivé dans le classement des plus grosses fortunes françaises, est entrée dans la mythologie des self-made men qui font la fierté du MEDEF. Y compris parce qu’il renoue avec la tradition de patrons ultra-paternalistes, jurant que leurs employés sont comme une famille qu’il doit chouchouter. Mais avec les nouveaux outils de la culture d’entreprise, de séminaires de motivation en concours de poker avec voyage offert à la clé. Initialement parti pour faire un documentaire sur ce mode de management, Brice Gravelle a fait bifurquer Des idées de génie ? en portrait de Ginestet.
Il faut dire que le bonhomme est fascinant dans sa relation avec des employés qu’il vante comme collaborateurs. Une histoire trop belle pour y croire et qui va justement se fissurer. Des idées de génie ? se fait pourtant plus ambigu en devenant une histoire de lutte non pas des classes, mais entre un réalisateur quasi-envouté et un entrepreneur gourou. Ce documentaire devenant aussi fascinant que son sujet, quand il s’avère être, lui aussi, incroyable metteur en scène de son entreprise jusqu’au-boutiste, jusqu’à manipuler celui qui est derrière la caméra. Au-delà d’un sidérant portrait de narcissisme, Des idées de génie ? trouve dans ce glissement d’un making of de la réussite à un face-à-face, l’expression de la farce dangereuse qu’est le néo-libéralisme. Elle est ici grinçante mais, à sa manière, parfait résumé des méthodes actuelles de fusion-acquisition telle qu’elles se pratiquent dans les groupes industriels, entre jeu de séduction et d’infiltration avant de s’imposer comme subordination totale. Gravelle signant un film ayant la toujours salutaire idée de rappeler comment le mauvais génie s’est emparé du monde de l’entreprise.
En salles depuis le 4 octobre