Londres – New-York – Kingston.
Reggae disco. Il fallait oser. Des productions de disco tardif (1979-81) compilées dans les années 2000 ! Après toutes les vagues de disco-queens et de disco-funk qui avaient déjà conduit – à l’époque du clubbing – à un autodafé : « Disco Sucks ! » avec destruction de vynils dans un stade…
C’est dire la lassitude que le genre avait provoqué, par excès.
Le disco lui-même avait serpenté avant d’exister, dans les marges de la soul et du funk, grappillant ce qui pouvait contribuer à faire danser, sur des rythmes et des breaks éprouvés, une nouvelle génération.
Après l’écoute et la création d’une planète soul funk (voir Soul Train, émission TV américaine), on voulait danser direct, partout dans le monde, se saper, frimer et flirter sur le dancefloor, sans limites…
Et même après, la house, la techno et la dance allaient prendre le relais d’une disco en plastique, que pourtant certains ne voulaient pas voir mourir.
Pourtant, le label Soul Jazz, insatiable, avait récidivé, ressuscitant un certain disco, sur un tempo reggae ! La diaspora jamaïcaine pouvait rééditer du disco, avec les exceptions qu’elle avait imposé. Autorisation spéciale.
La communauté musicale jamaïcaine avait déjà prouvé son talent avec des « covers », des reprises de grands morceaux soul, rock, funk ou rythm and blues, mais à ces dates, début 80, l’empire jamaïcain avait déjà créé ses propres bases, qui ne devaient plus rien à l’Amérique.
Après Rocksteady et Reggae Roots, ils allaient bombarder le monde de dub, de dancehall, de ragga. Pas besoin du disco ?
Mais il faut croire que les grands tubes symphoniques, les souvenirs de grands Clubs, 54, Palace etc. L’envie de se frotter aux morceaux emblématiques (« Ring my bell », « Rappers Delight », « Upside Down »…) a été plus forte.
En musique, tout se démode, mais en même temps se crée une réserve extra pour repêcher des mélodies, gimmicks, trucs, idées de mélanges. La preuve.
Cette réédition, avec quelques rajouts, montre que la qualité des voix, des basses, de la rythmique jamaïcaine reste très forte, plus en place et plus puissante que la moyenne. Une sorte de disco pour orchestre.
En plus, on vérifie que le Beat Reggae peut s’adapter à tout et que la disco est une pâte à modeler, faite de différents matériaux et capable de se plier à bien des formes musicales, retombant sur ses 2 temps, malgré le contre-temps jamaïcain.
Un secret que m’a dit Bunny Lee (le type sur la photo illustrant l’article), dans son studio à Kingston : le mot « reggae » vient de « Street Girl », puis en argot « Stray Gal », puis « Stray Gae » : et par extension Reggae, la fille des rues, la musique pute, qui se laisse manipuler par tous (!)
J’espère que vous aimerez autant que moi cette conclusion-révélation.
Hustle ! Reggae Disco. Kingston – London – New-York. Soul Jazz Records.
(* quand j’en avais parlé » à Chris Blackwell, il m’avait battu assez froid !)