La chronique de Jean Rouzaud.
Le label Soul Jazz se fend d’une ressortie de haut niveau. La vague planante, électronique, Rock et expérimentale des années 70 en Allemagne est là, réunie avec tous les groupes emblématiques du « Krautrock ».
Il se passait tellement de changements et de découvertes que peu de groupes avaient le temps de mettre à profit ces idées, ces nouveaux instruments et les possibilités qu’ils offraient. Les Allemands eux, l’ont fait.
Avant-garde
Tous ces musiciens se voyaient, jouaient dans les groupes les uns des autres, participaient à toutes sortes de concerts (comme Jimi Hendrix…), attiraient des gens comme Brian Eno (ex Roxy Music) ou encore rachetaient le matériel de Pink Floyd.
La génération 70 était tout sauf fermée, et les personnes et idées circulaient…Il y eut donc pas mal de formations et d’assemblages de musiciens et des groupes à géométrie variable, après les détonations Kraftwerk et Can, au tout début des années 70.
La jeunesse avant-garde était alors sous l’influence des recherches de Karlheinz Stockhausen en musique, et sous celle de Joseph Beuys en Art, qui mettait en scène son accident d’avion pendant la guerre, avant de se livrer à des performances dures. Puis ce sera la RAF ou fraction armée rouge, militantisme terroriste d’une extrême gauche déchainée : assassinats et prisons de haute sécurité…
Rock, Folk, Pop se mirent à céder la place aux sons d’ordinateurs, aux bruits minimalistes, aux boucles répétitives, puis aux nappes de planant, aux vagues cosmiques, aux crescendos opératiques, avec bientôt des vrombissements de moteur, des clash métalliques ou des cascades de notes ruisselantes à la Popol Vuh, le groupe de Florian Fricke.
Le krautrock avant le punk, l’électro, la techno…
Réécoutez la musique de ce groupe pour leur ami Werner Herzog dans le film Aguirre, la colère de Dieu, et revivez la descente des Andes vers la jungle amazonienne par des conquistadores maudits, dirigés par un Klaus Kinski habité et maléfique…
Ce sera donc Faust, Neu !, Cluster, Amon Düül II, Tangerine Dream, Gila, Harmonia, Ash Ra Temple, Dieter Moebius, Roedelius…et d’autres musiciens doués, qui vont faire avancer le bulldozer avec ses nuances, parfois même très World ou Pop revisité électro.
Ces groupes mal connus et savants annoncent pourtant le Punk, l’Électro, les fusions et les grandes raves à venir, avec la Techno…
Vingt-quatre titres et vingt-deux groupes de ce raz-de-marée allemand, véritable pivot expérimental européen, auquel même l’Eurodance et des producteurs comme Giorgio Moroder doivent beaucoup.
Deutsche elektronische Musik : Experimental German Rock and Electronic Music, 1972-83, Soul Jazz Records, avec Can, Between, Harmonia, Gila, Kollectiv, Michael Bundt, E.M.A.K, Popol Vuh, Conrad Schnitzler, LA Dusseldorf, Harmonia, Faust, Cluster, Ibliss, Dieter Moebius, Amon Düül II , Ash Ra Temple, Tangerine Dream, Roedelius, Deuter. Double CD. 24 titres + Booklet : livret couleur 36 pages avec historique, groupes et photos.
Visuels (c) capture d’écran Youtube / Soul Jazz Records