Le gift shop du Grand s’offre les recoins d’internet et y trouve des dinosaures qui parlent
Le gift shop du grand mix de ce vendredi ne sait pas trop comment qualifier l’objet qu’il vous ramène d’une discussion avec un ami que je me dois de remercier au passage. Je rends à Nicolas Boulenger ce qui lui appartient. Voyez-vous, jamais au grand jamais je ne serais tombée de moi-même sur le webcomic qui nous occupe aujourd’hui.
L’histoire préhistoire de « Dinosaur comics » commence le 1er février 2003 sur le site imprononçable Qwantz.com
Sous le titre « Today is a beautiful day », en 6 cases, un T-rex saturé, plutôt autosatisfait et tout de vert fluo, un utahraptor orangé, mesuré et probablement gay, et un ami dino encore non identifié, discutent du plaisir ontologique d’écraser une petite maison, une petite voiture et une petite fille.
Utahraptor! The most salacious of all raptors!
Nous voilà avec un dialogue dino-platonicien où le sage Socrate se voit remplacé par l’Utahraptor sus-cité. Ce dialogue sera la forme privilégiée du « discours » de Dinosaur Comics, quant à la forme visuelle, elle restera…et bien tout à fait identique, pour tout vous dire.
Environ une planche par jour depuis 7 ans et ça ne bouge pas d’une griffe tandis que le canadien Ryan North explore en riant beaucoup, une philosophie absurde proche d’un fortune paleontocookie tout à fait inédit.
Inédit, du moins en ce qui concerne le fond, car la forme répétitive visuelle du comics existe et porte même un nom en américain, cette langue qui trouve si facilement des noms pour tout. Bonjour au constrained comic, ou webcomic dans le cas présent.
Comme son nom l’indique il s’agit d’utiliser une contrainte majeure dans la forme qui force l’imagination à se dépasser et qui produit un effet humoristique ou poétique réussi.
Enfin, soyons honnête, on succombe forcément au comic de David Lynch de 1973 « The angriest dog in the world« , qui narre en noir et blanc l’histoire d’un chien tellement en rogne qu’il ne peut plus bouger…
Les images à inverser et renverser de Gustave Verbeek, (ici) donnent, quant à elles, au terme double lecture un sens des plus littéral. Le groupe OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentielle qui réunissait à ses débuts en 92 François Ayroles, Anne Baraou, Gilles Ciment, Jochen Gerner, Thierry Groensteen, Killoffer, Etienne Lécroart, Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim.) ou le principe du Partially Clips participent aussi du constrained comics.
Un plaisir d’OuBaPo c’est là.
Il faut croire que la France inspire lorsqu’il s’agit de contraintes. Après l’Oulipo, Raymond Queneau lui-même joue les muses à cases avec ses « Exercices de styles » repris par Matt Madden dans « 99 ways to tell a Story. » Une même histoire dessinée dans le style Political cartoon, underground comix, parodies, manga, réclame publicitaire, ou encore super-héros…
Et pour s’en retourner à nos moutons de la préhistoire théoriciens de l’après-histoire, sachez qu’ils ont leur twitter. Si Denver était le dino des Eigthee’s, voilà ses gamins perturbés.
Dinosaur Comics, 2352 planches, qwantz.com, 0 €/$
Un petit pour la route mais attention, la lecture est chronologique, pour vous lancer, lancez vous du 1er février 2003 (ça va, c’est pas trop haut).