Une création spéciale de Sofiane Saidi, Tony Allen qui rend hommage à Hugh Masekela, les chants haïtiens de Mélissa Laveaux…
Le festival Banlieues Bleues, qui déploie une programmation vertigineuse et plurielle au sein du quatre-vingt-treizième département de France (la Seine-Saint-Denis) accueille cette année et dès le vendredi 6 mars une quarantaine d’artistes venus de partout. De la création spéciale de Sofiane Saïdi aux chants haïtiens de Mélissa Laveaux, du hip-hop rebelle de FOKN Bois à l’hommage rendu par Tony Allen à Hugh Masekela, voici notre sélection de ce qu’il faudra, selon Radio Nova, voir en priorité au festival qui fait entendre sa voix depuis désormais 37 ans…
1. Sofiane Saidi et Belek Belek ! — Samedi 7 mars, La Dynamo de Pantin (20h30)
Spécialement créée pour Banlieues Bleues, la soirée Belek Belek ! (« Attention, fais gaffe ! ») permet à Sofiane Saïdi, que l’on a souvent nommé ici « prince du Raï 2.0 », d’inviter toute une scène que l’on n’a pas l’habitude de voir et de présenter : celle de l’Algérie, au-delà des a priori. Cheb Abdou (Boy Gorge made in Oran), Cheikha Hadjla (présente sur le nouveau disque d’Acid Arab), Tipo Bel Abbes (nouvelle génération tecktonik algérienne)…et Sofiane lui-même pour une création exclusive, offerte à cet artiste qui a commencé sa carrière à Paris, après avoir fui la décennie noire au début des années 1990. Son premier album El Mordjane était sorti en 2015, et le deuxième El Ndjoum en 2018 avec le groupe lyonnais Mazalda. Bintou Simporé, qui invitait Sofiane dimanche dernier dans Néo Géo, vous en dit plus sur cette création immanquable, en coproduction avec le Festival Banlieues Bleues et l’Institut du Monde arabe.
2. FOKN Bois — Mardi 18 mars, La Dynamo de Pantin (20h30)
« FOKN Bois », en Ghanéen, c’est à fois un vaurien (dans le langage des anciens) et un mec cool (dans le langage des nouveaux). Dans tous les cas, le mot renvoie à ceux qui dérangent, à ceux qui parlent fort, à ceux que l’on regarde. Depuis Accra, FOKN Bois délaisse les idoles — leur premier album, insolent, se nomme Afrobeats LOL —, lutte contre les visions rétrogrades — le clip de « True Friends » était tourné dans un bar réservé à la communauté LGBT, dans un pays où il est interdit de l’être —, est désormais comparé au groupe Outkast, parce qu’ils partagent ensemble une même vision de ce hip-hop qui groove, qui conteste et qui fait, dans le même temps, méchamment danser.
3. Mélissa Laveaux, Vendredi 20 mars, L’Espace 93 de Clichy-sous-Bois (20h30)
Il y a deux ans, la Québécoise Mélissa Laveaux revisitait les chants contestataires de son pays Haïti d’origine à travers un album, Radio Siwèl, qu’elle était venue nous présenter chez Radio Nova et qu’elle présentera de nouveau à Banlieues Bleues. Elle y jouera notamment ce morceau, « Nan Pwen Lavi Anko », hymne issu des cérémonies rituelles de la tradition vaudoue que vous avez pu entendre longtemps sur Nova.
4. Alsarah & The Nubatones, Samedi 21 mars, L’Odéon de Tremblay-en-France (20h30)
Ethnomusicologue de formation, Alsarah étudie depuis des années, et depuis Brooklyn, les musiques nubiennes. Via son projet Alsarah & The Nubatones (elle a créé le groupe avec son ami percussionniste au début des années 2010), elle intègre ces sonorités d’une autre époque à une musique résolument moderne, et fusionne la mémoire du Soudan avec une pop tantôt nostalgique, tantôt ultra dynamique. Immanquable.
5. Les Filles de Illighadad, Vendredi 21 mars, L’Espace Paul Éluard de Stains (20h30)
Le blues touareg ? Et non, ce ne sont pas que des garçons. Après Tinariwen, Terkaft ou Bambino, figures masculines du genre, Les Filles de Illighadad sont venues attester, ces dernières années, de l’existence d’une « scène » féminine du côté du Sahara et de ses longues dunes pleines d’horizons sablés. Discrètes lors de leur première venue chez Nova, tôt le matin à l’occasion des livres de Plus Près De Toi, elles se sont depuis affirmées et ont imposé leur son mystique, sensible et habité à travers la parution d’un album remarquable (Eghass Malan, sur Sahel Sounds) et de lives remarqués, et notamment du côté de la scène électronique berlinoise, où leur single « Tende » a même récemment été remixé.
6. Femi Kuti, Samedi 28 mars, L’Espace Lino Ventura de Garges-lès-Gonesse (20h30)
S’il n’est pas l’unique fils de la légende nigériane Fela Kuti — Seun Kuti, lui aussi, sort des disques depuis 2007 avec le groupe Egypt 80 —, Femi est en tout cas le représentant le plus probant et le plus assumé de la musique prônée par son père, celle qui faisait de l’afrobeat une musique de combat par laquelle il était possible, si ce n’est de faire bouger les lignes, au moins de les faire vibrer, et de monter que ces lignes-là n’était pas complètement statiques. Depuis le décès du « Black Président » en 1997, Femi a ainsi repris le flambeau laissé brûlant par Fela, scande en concert des slogans ultra politiques comme d’autres scandent des hymnes, et défend en concert des morceaux issus de ses albums les plus populaires, d’Africa for Africa à One People One World, son dernier disque en date.
7. Tony Allen celebrates Hugh Masekela, Vendredi 3 avril, L’Embarcadère d’Aubervilliers (20h30)
C’est l’histoire d’un rendez-vous dix fois manqué qui finit par n’être vraiment honoré… qu’à la mort d’Hugh Masekela. Souvent, le jazzman sud-africain Hugh Masekela et le batteur nigérian Tony Allen — grand porte-étendard, avec Fela Kuti, de la musique afrobeat — ont voulu travailler ensemble, et pensé à un album en commun. Ils se sont croisés souvent, ont organisé quelques fois leur agendas afin qu’ils puissent passer quelques heures côté à côte, mais d’albums communs, ils n’en avaient jamais sortis. Rejoice, ce disque qui sort le 20 mars chez World Circuit, réparera cet impair, et permettra à Hugh de renaître par la grâce de Tony, qui lui rend hommage par le biais d’une série de concerts hommages.
8. Guiss Guiss Bou Bess, Mardi 18 mars, La Dynamo de Pantin (20h30)
Guiss Guiss Bou Bess, littéralement « Nouvelle vision » en wolof, c’est le jeune projet de Stéphane Costantini, compositeur et beatmaker, et Mara Seck, chanteur, percussionniste et danseur. Un mélange explosif de beats électroniques et des rythmes ancestraux des sabars, une polyrythmie qui mène presque à la transe. « Ça fait une polyrythmie ultra riche pour les oreilles d’un occidental ! C’est un truc incompréhensible, un gros magma sonore. », nous expliquait Stéphane en marge de la sortie de l’album Set Sela en 2019. À vérifier très vite à Banlieues Bleues.
9. Leyla McCalla, Vendredi 20 mars, L’Espace 93 de Clichy-sous-Bois (20h30)
Leyla McCalla, chanteuse et violoncelliste new-yorkaise d’origine Haïtienne, s’installe à la Nouvelle-Orléans en 2010, où elle se fait repérer en jouant dans les rues. Elle rejoint alors les Carolina Chocolate Drops, un ensemble de cordes afro-américain primé aux Grammy Awards. Elle se lance ensuite en solo avec un album d’adaptations de poèmes de Langston Hughes. En 2016, elle était venue présenter son deuxième album, A Day for the Hunter, A Day for the Prey, dans le Salon de Musique de Radio Nova. Son troisième et nouveau disque est, lui, revendiqué comme un ensemble de « protest songs », baignant à la fois dans l’héritage cajun de la Louisiane et dans ses origines haïtiennes. C’est cet album, saisissant, et nommé comme un manifeste humaniste — The Capitalist Blues — qu’elle viendra présenter, à Clichy-sous-Bois cette fois.
10. Jerusalem in My Heart — Mardi 10 mars, La Dynamo de Pantin (20h30)
Activiste sonore de la fascinante scène indépendante montréalaise, affilié au label Constellation Records (celui des très politiques Godspeed You! Black Emperor), fondateur, avec d’autres, du studio Hotel2Tango à Montréal, Radwan Ghazi mène, avec le vidéaste Charles-André Coderre, l’hypnotique projet Jerusalem in My Heart depuis 2013. Muezzin habité par des forces internes intenses, producteur passionné par des sonorités venues de plus loin (Jerusalem in My Heart : c’est le nom de l’album culte de la Libanaise Fairouz, sorti en 1967), guitariste appliqué, il fabrique une musique drone, psychédélique et passionnante, qui se rapproche, lors de ses lives et grâce aux projections vidéos, de la performance visuelle — une grande spécificité des lives proposés par les artistes Constellation. Vu avec le groupe canadien Suuns en 2015, avec qui il avait donné une série de concerts perchés avant de sortir un album qui l’était au moins autant (Suuns + Jerusalem In My Heart), le groupe sera au Dynamo de Pantin, accompagné en première partie par une autre spécialiste de la musique drone, cérébrale et transcendée : la productrice (et géologue…) Lucrecia Dart.
La programmation complète de Banlieues Bleues, par ici.
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Visuel © Banlieues Bleues