La bamboche, c’est terminé ? Alors tentons de faire bombance entre Toulouse et Nice via les bals psychédéliques de ce power trio de troubadours afro-punks, « où ceux qui veulent être en haut se retrouvent en bas ».
« Nous fous de carnaval devons soigner les fous démolisseurs de nos gouvernements. Devons les réveiller. Quand ils vont s’éveiller, se mettront à pleurer. Sont en train de tout casser. Devons trouver la chanson qui les libérera une fois pour de bon de leur arrogance. » Dans le clip mythologique de leur chanson Fou, réalisé par la Sicilienne Ruby Cicero, les trois troubadours afro-punks psychédéliques de Djé Balèti portent, immobiles, des camisoles de force dorées de toute beauté aux pieds d’un antipape rose devant des montagnes roses, tandis que des fumées divines serpentent dans les cieux et qu’une déesse noire, nue, clope d’un air lassé par les gesticulations de l’humanité.
Reproduction futuriste du tableau La Lithotomie du génie néerlandais Jérôme Bosch (1494), la toile animée insère une nouvelle pierre précieuse dans notre imaginaire : ce rubis aux mille bals (« balèti », en occitan) poli depuis dix ans par le power trio fondé par Jérémy « Djé » Couraut, accompagné d’Antoine Perdriolle et de Menad Moussaoui, en activité « de Toulouse à Nice ». Objectif lunaire : « Renverser le monde en une déconnade », comme au plus fort des carnavals médiévaux quand, le temps d’une journée de « bombance », les pauvres devenaient les seigneurs à la place de ceux qui les saignent. Telle est la philosophie de Pantaï, troisième album de rock métissé pas sage du tout paru au printemps 2020 sur le label Sirventés, d’après ce mot d’occitan niçois qui célèbre le « rêve » capable « d’agir sur le monde ici et maintenant » – exactement comme ce podcast, soit dit en passant.
« Français confond joie et bruit. Français doit s’affiner. » On trouve aussi sur ce disque de feu un Sortilège (manifeste de la joie), qui peut s’entendre comme la réponse aux légendaires « Jaloux Saboteurs » de Maître Gazonga (Abidjan, 1984) et surtout comme l’un des morceaux que nous écouterons très très fort quand nous serons tous réunis dans le PREMIER BAR OUVERT.
Marqué par sa lecture du livre Le carnaval de Nice et ses fous de l’historienne Annie Sidro (1979), Jérémy Couraut, fils de hippies et grand bourlingueur armé d’une « espina » – sorte de guitare épineuse au corps de calebasse revenue du fond des âges, qu’il a électrifié – nous transmet en ce jour de Mardi-Gras une leçon de tradition carnavalesque, « où ceux qui veulent être en haut se retrouvent en bas », non loin du Roi-Cochon qui s’offrira de tendre grâce en sacrifice pour régénérer nos cellules, de nonnes et de curés à la sexualité mystique, ou d’un Enfant-Roi qui peut tout aussi « être une pierre, un animal ou un cougourdon », c’est-à-dire une courge.
Réalisation : Mathieu Boudon.
Image : Fou de Djé Balèti, réalisé par Ruby Cicero (2020).