La chronique de Jean Rouzaud.
La troisième version du festival de l’île de Wight fut la bonne : en aoît 70, elle ramena plus de 500 000 spectateurs, avec une affiche énorme et tant d’artistes au programme que le public lui-même était totalement hétéroclite. Les Who, Doors, Jimi Hendrix, Miles Davis, Sly (and the Family Stone) Joan Baez, Richie Havens, Leonard Cohen, Procol Harum, Mungo Jerry, Melanie, Kris Kristofferson, Supertramp, Hawkwind etc. etc. Bref, le catalogue complet de la Pop de l’époque (plus Rock, Folk, Funk, Hard…) !
L’avant-dernier concert des Doors
Eagle Vision propose le passage très spécial des Doors en DVD, avec en bonus, quelques interviews du groupe (afin d’éclaircir la situation ?) En effet, après cinq années de succès fulgurants et un début de tournée américaine, voici leur première apparition en Europe et leur avant-dernier concert. Jim Morrison n’a plus qu’un an à vivre.
Ces extraits restaurés du film bénéficient d’un grain cinéma magnifique, avec des plans de foules rapprochées, où l’on voit vraiment les hippies sur leur fin, mais en quantité énorme ! En pleine nuit , les quatre Doors semblent une chapelle devant un océan humain… Ignorant qu’ils devaient amener leur propre lumière, ils n’ont rien !!! On leur alloue un énorme spot rouge et c’est tout !
Messe pourpre
Miracle ! Cela donne une ambiance incroyable de messe pourpre, contenue et vibrante, comme recueillie dans une nuit sanguine, où leur style lancinant, l’orgue de Ray Manzarek, et un Morrison figé, rajoutent au côté mystique de la chose…
Explication : leur dernier concert à Miami a mal tourné, Morrison a fait mine de montrer son sexe, et le voilà poursuivi par la justice américaine, menacé de prison. Leur énorme tournée US est annulée complètement.
L’ange Jim a vu l’enfer et la menace, et lui qui arrivait sur scène sous trip ou simplement saoul et raide, cette fois à Wight, il est droit, assagi, comme sous le choc, et sa voix n’a jamais été aussi claire. Il est en noir avec un caftan brodé genre Europe de l’Est, Manzarek est tout en blanc sur son orgue, Robby Krieger en daim beige, et John Densmore en T-shirt, disparaît derrière sa batterie.
Jim Morrison au crépuscule
Jim Morrison, dont les frasques en concert, les retards, les saouleries et les provocations, ont sapé la carrière, a enfin pris peur, et intimidé par la foule géante, fait le job avec une sobriété bienvenue.
Il n’a jamais voulu faire du concert Rock, avec fans extasiés venus voir une idole surhumaine dont on attend un miracle. La fin des sixties psychédéliques en Amérique a rendu les festivals plus qu’agités, la guerre du Vietnam a fait monter la tension et la police est devenue très violente.
Voilà pourquoi ce document du dernier concert filmé des Doors est exceptionnel. Lumière rouge, foule à perte de vue dans la nuit (comme Altamont), tension et atmosphère religieuse…
C’est le dernier grand show hippy. Les seventies vont amener le Glam Rock, le Hard puis le Punk. La fête Flower Power, Peace and Love est finie. On aura changé d’époque pour toujours.
The Doors. Live at the isle of Wight festival 1970. Distribué par Eagle Vision. Dix titres (les plus connus) Sous-titre en français, espagnol, italien, allemand, portugais, anglais. 84 mn. Couleurs + Bonus et interview.