Le maître percussionniste est mort ce mercredi.
Le calme et la sagesse de ce papa, patriarche d’une longue lignée de musiciens et de danseurs, irradiait le visage de Mamadou N’diaye Rose, Rose comme le matronyme de sa mère, trésor de la nation sénégalaise dont il avait arrangé l’hymne, fait aujourd’hui mentir le proverbe d’Hampaté Ba : » un vieillard qui meurt en Afrique est une bibliothèque qui brûle ! » C’est en effet avec l’assurance d’une transmission conquise que le maître tambourinaire laisse de nombreuses terres fertiles de l’art du sabar, ce tambour sur pieds en poirier de Caior, d’origine sérère, monté sur une peau de chèvre rasée, tendue par des cordes et des chevilles de bois et frappée d’une seule main.
Doudou N’Diaye Rose fut le compagnon de route du président L.S. Senghor dont il aimait accompagner les séances de rîmes et de rythmes, de longs après-midi dakarois pour que sonnent les mots du poète.
Doudou N’Diaye Rose et ses trente Rosettes faisant vibrer lors d’une soirée inoubliable le Festival Banlieues bleues, avait su transgresser habilement son art sur la scène jusque là réservé aux hommes pour accompagner les lutteurs par des tempo d’intimidation ou d’encouragement.
Doudou N Diaye Rose, qui ouvrait les manifestations officielles culturelles et sportives dès les années 60, fut un homme de son temps, ancré dans sa tradition à l’instar du grand Sing Sing Faye, comme lui, natif du quartier Médina et décédé également.
Ce musicien dans l’âme fit des collaborations multiples : le bagad breton Men Ha Tan, Jacques Higelin, France Gall, Dizzy Gilespie, Miles Davis, les Rolling Stones, Peter Gabriel, Alain Stivell, les tambours Kodo du Japon ou avec son compatriote Youssouf N’Dour. Encore jusque tout récemment, il participait à la XXI édition du Festival des Musiques Sacrées de Fès lors d’une séquence mémorable du spectacle d’ouverture : Léon l’Africain, avec plus de 15 de ses enfants pour une partition de sabar, en spécialiste incontesté du nder, le sabar des solistes pour faire danser les lions (simb), avec leurs sauts spectaculaires.
Doudou N’diaye Rose parlait un français à faire pâlir un académicien et comme tout griot savait maîtriser la parole en serere, wolof ou lébou.
Doudou N’Diaye Rose a fait parti de cette génération d’artistes qui ont été partie prenante dans la constitution des Ballets Nationaux de nombreux pays africains, dès le début des Indépendances. Sa participation au Festival des Arts Nègres de Dakar en 1966 fut une révélation pour de nombreux musiciens de jazz comme Archie Sheep. Il compris aussi l’intérêt du solfège et des partitions pour mener au doigt et à l’œil, voire à la baguette, d’immenses ensembles de percussions, parfois plus d’une centaine de tambourinaires. Dans sa vision du métissage des cultures, Doudou n’oubliait rien des rythmes, des rites de tatouages, des cérémonie de circoncision, des baptêmes, de ceux qui font venir la pluie en temps de sécheresse et comment utiliser les animaux, arrêter le bruit du criquet.
A 85 ans, le vieux lion qui fit des études de plombier et rencontra jeune homme sur sa route en 1969 Joséphine Baker, l’aura surement rejoint le 19 août 2015, au firmament !