Et du haut d’un terril !
Photo ©nicolasdebacker
Dour, Dour, Dour. A-t-on encore vraiment besoin de faire la promo du festival aux 250 000 festivaliers, 3900 bénévoles, 22 000 kilos de frites ingurgitées en 2016, 200 000 litres de bière vendues…
Dour, c’est un rendez-vous pour beaucoup, un festival où l’on va les yeux fermés tant on fait confiance en la programmation. Certes on n’y va pas pour tel ou tel artiste, mais c’est justement parce qu’on sait que nos oreilles seront de toutes façons super respectées, un peu bousculées parfois, toujours pour leur bien. Dour, on y revient toujours.
Pourquoi ? Mathieu Fonsny, co-directeur du festival, Mathieu Drouet, photographe de Dour depuis l’an 2000, et Céleste festivalière puis stagiaire apportent leurs indices.
Mathieu Fonsny, co-directeur artistique du festival
Vous vous occupez de la programmation musicale, mais il y a aussi un grand travail sur l’image à Dour… vous faites les deux ?
Tout est mêlé. On est très regardant sur l’image générale du festival, on y réfléchit beaucoup. En terme de graphisme, on essaye de voir ce qui se fera demain et pas ce qui se faisait hier. Par exemple, sur la pub télé, on a un crew de vidéastes qui travaillent avec nous, ils sont très intéressés par les textures. La vidéo de présentation de cette année est toute en texture.
Présentation Dour 2017, Hyper Texture
Dans la programmation de cette année, qu’est-ce qui te rend très curieux ?
Chaque année, on essaie de créer des moments particuliers. L’année dernière par exemple, on avait donné un chapiteau aux membres de Salut c’est cool ! qui chaque jour l’investissaient pendant 3 heures. Ils ont fait un défilé de mode là-dessous, un atelier de peinture…ça produit une sorte de création inédite pour le festival.
Salut c’est cool ! Techno toujours pareil. Le clip qui prouve que comme Dour, il faut inviter Salut c’est cool ! en résidence
Et cette année, on a prévu une spéciale Hip Hop belge – une scène que vous soutenez beaucoup chez Nova. Cette scène belge, elle a toujours existé mais en ce moment ils sont en train de se fédérer : Caballero, JeanJass, le 77, l’Or du commun, Youssef Swatt’s, toute cette génération bosse ensemble, collabore, ce qui fait qu’il y a une énergie globale qui se dégage du Hip Hop belge. On a donc proposé à JeanJass, Caballero & Roméo Elvis de penser un projet qui s’appelle Bruxelles arrive, qui ne sera joué qu’une seule fois, à Dour. Ils vont faire une résidence d’une semaine pour créer un show où sera incluse toute cette scène du Hip Hop belge. On découvrira ça en même temps que tout le monde.
En hors-d’oeuvre, JeanJass & Caballero, ensemble déjà.
Autre curiosité dans la programmation : J’aime bien – ça doit être mon âge – tout ce qui est électro un peu pour trentenaire donc je suis super content d’avoir Black Madonna, Môme, Antal, le live de Red Axes, Mall Grab…c’est un peu une scène Crossover entre de la house, de la disco, de la techno, de l’acid.
Je reviens d’un festival à Détroit où j’ai fait une overdose de techno. Dès qu’il y avait un tout petit peu de groove, ça me faisait du bien. À froid comme ça, je te dirai bien que là ce dont j’ai envie, c’est un set de 12h de Black Madonna …
Le groove de Black Madonna en Boiler Room
Qu’est_ce que tu ne connaissais pas l’année dernière qui est dans la prog de cette année ?
La majeure partie de l’affiche, c’est des coups de coeur, c’est des « tu pensais aller à gauche et tu vas à droite, et tu tombes sur un super-groupe ». C’est 70% de découvertes. Là on rend notre copie et on verra bien si les gens nous comprennent, mais nous on est fiers de tous nos choix.
Le meilleur moment d’ailleurs, c’est quand on rend la copie, qu’on est au bord de la rupture, et qu’on voit les gens arriver, se prendre dans les bras. C’est notre bébé qu’on lâche dans la nature. C’est une souffrance et le meilleur des soulagements. C’est exactement comme une femme enceinte. T’es tout seul sur ton lit d’hôpital et puis t’attends que ça sorte, et puis boum il sort, et tout le monde vient te voir et tout le monde a le sourire.
En fait je suis père plusieurs fois, et je ne le savais pas.
Mathieu Drouet, photographe de Dour depuis l’an 2000
Ambiance ! ©Mathieu Drouet : www.mathieu-drouet.com
11 scène, 235 000 spectateurs, ça fait beaucoup pour un seul photographe…
On a une team en fait. Il y a entre 10 et 15 photographes que j’ai coordonné sur le site. Je pense qu’on est le premier des festivals en Europe, à avoir eu une équipe comme ça de photographes. Ajoute à ça, les illustrateurs … il y a un vrai souci de l’image sur le festival.
Quel est ton endroit préféré sur le festival ?
De manière générale, j’aime beaucoup les zones intermédiaires, les petites scènes. Il y a par ailleurs une zone que j’aime beaucoup, qui est interdite au public, qui est interdite à beaucoup de gens en fait, c’est tout en haut du terril. De là haut, tu vois tout le festival, il y a une grande énergie qui remonte vers toi et en même temps c’est très paisible, très calme. C’est violent et zen.
Quelles sont tes meilleures photos du festival ?
Il y en a beaucoup trop mais j’aime beaucoup un portrait du bassiste de Fugazi, Joe Lally, c’est quelqu’un que je rêvais de rencontrer adolescent.
Joe Lally par Mathieu Drouet©Mathieu Drouet : www.mathieu-drouet.com
Et puis à certains moments du festival, pas forcément la nuit, au contraire, il y a des grands moments de foules, où tout à coup, elles basculent dans l’euphorie. Dour, ça peut être très zen et très violent, mais jamais agressif. Puissant en tout cas.
Dour, le jour Dour 2016 © Laurence Guenoun
Le concert de Dour qui t’a marqué dernièrement ?
Celui d’Explosion in the Sky en 2014, vieux groupe de post-rock. Ils ont soulevé complètement la foule, à tel point qu’ils ont eu le droit de faire un rappel. Les musiciens ne font pas de rappel normalement à Dour.
The Ecstatics, extrait du nouvel album d’Explosion in the Sky : Wilderness
Quelles sont tes plus belles claques musicales ?
Poliça en 2012 ça a été une très jolie claque et ils sont revenus l’année dernière.
Pélican aussi il y a deux ans. Ce n’était pas une claque surprise mais ça faisait longtemps que je ne les avais pas vus et à Dour c’est plus intense. De toutes façons, je crois que c’est le public qui fait le festival. Au niveau où on en est à Dour, je crois que Mathieu et Alex pourraient programmer n’importe quoi, que ça marcherait quand même. Le plus obsessionnel, le plus pointu des mélomanes ne connaissent pas toute la programmation. La surprise à Dour, elle est partout.
Le truc le moins intéressant au final, c’est peut-être ce qu’il y a sur la grande scène. Quoique, les Pixies l’année dernière, c’était vraiment pas mal.
Poliça ! Wedding
Céleste, ex-festivalière, aujourd’hui en stage
Comment est-ce que tu décris le festival à quelqu’un qui ne le connaît pas ?
Comme le rendez-vous de l’année qu’on ne rate pas. Pour moi Dour, c’est vraiment une expérience, on est déconnectés de la réalité pendant 5 jours, et on vit dans une mini ville avec une atmosphère différente.
Quand j’etais festivalière, avec mes copains, on ne regardait même pas la programmation avant d’y aller. On fait confiance et on y va, on y va pas pour tel groupe ou pour tel autre, on y va pour être à Dour.
On prend nos pass avant même que la programmation soit diffusée, les yeux fermés, et on n’est jamais déçus.
Maintenant que tu travailles pour Dour, tu connais la programmation avant le festival… qu’est-ce que tu as très envie de voir cette année ?
Justice, parce que c’est toujours des shows de fou. Et Kaytranada, parce que je sais que vraiment il faut le voir en live.
Quelle claque musicale as-tu déjà prise à Dour ?
Dj YZ, c’était vraiment fou, c’est un dj qui est assez peu programmé ailleurs, je crois que c’est le show que j’ai vu de A à Z, il y avait une ambiance de folie.
Une image très forte que tu gardes en tête ?
Il y a deux ans quand il a plu. Un soir, je suis restée toute la soirée sous le chapiteau Jupiler et quand on est finalement sortis, l’ambiance était surréaliste, tout était boueux, certains faisaient du ventriglisse, d’autres des batailles de boue. Et il y avait une grande solidarité : quand on est rentrés au camping, tout le monde glissait, tombait dans la boue, alors on se tenait tous les uns les autres, bras dessus, dessous, avec des inconnus, morts de rire. Ça fait 235 000 potes d’un coup, c’est beaucoup.
Mais non, il pleut jamais à Dour@ Laurence Guenoun 2015 – Dour 2015
Si après ça vous n’êtes pas convaincu, allez donc voir la programmation entière de cette année ici