À Lyon, cette autrice de science-fiction queer et féministe projette son alter-ego robotique dans un avenir un brin flippant, riche en puces implantées, où nous noterons nous-mêmes les performances de nos organes. Et les élans du cœur, dans tout ça ?
« J’allais droit dans le mur à aimer celui qui se méfierait toujours un peu des machines. Il savait que ces garces laissaient des cicatrices. Je savais qu’il ne s’abandonnerait jamais complètement dans mes bras. » Deux semaines à peine après la mystérieuse implosion de Daft Punk, voici qu’un autre androïde laisse remonter son spleen à la surface de sa cuirasse. Dans ses Chroniques lyonnaises du presque futur, le feuilleton sonore mensuel qu’elle a écrit et interprété en 2020, Elise Bonnard partageait les doutes et les observations de « Polaire », son alter-ego robotique qui, comme les humanoïdes de la série Westworld, troublent et sont troublés par nos comportements.
Au fil des épisodes, Polaire analysait la moite effervescence d’un club dont les danseurs « sentent la terre, la forêt qui lèche et qui abrite, la décomposition minérale, le galet mouillé », explorait sa sexualité non-binaire avec un boxeur ou une agente de sécurité aux longues tresses roses, se demandait d’où vient « la peur de la petite bête » face à une souris en rentrant bourrée du réveillon, ou découvrait la culture queer « dans des bars bouillonnants de Lyon » en matant une drag-queen à paillettes dorées rejouer les enjeux lascifs de Milkshake de Kelis, qui lui donna « l’envie d’embrasser tout le monde ».
Diffusées en 2020 sur Radio Canut et publiées dans le magazine Hétéroclite, ces chroniques bénéficient aujourd’hui, à bord de L’Arche de Nova, d’un émouvant bonus. Fan d’Alien et d’X-files, prof de français et autrice de trois recueils autoédités de poèmes érotiques souvent « sextraordinaires », Elise Bonnard projette Polaire dans un futur transhumaniste un brin flippant. Elle entrevoit pour bientôt dans nos corps des puces « qui comptent les globules », une appli pour attribuer des notes à nos organes et notre dépendance à de cyber-escortes sexuelles « remboursées par la Sécu ».
Mais Polaire sera le grain d’acier qui va faire dérailler la machine… en exhibant ses failles, comme dans le kintsugi, méthode japonaise de réparation des porcelaines et céramiques brisées, laquées de poudre d’or, métaphore de la résilience et symbole du renouveau qui prendrait en compte le passé de l’objet, son histoire et ses accidents. Humaine après tout.
Réalisation : Mathieu Boudon.
Pour écouter les Chroniques lyonnaises du presque futur, réalisées et habillées par Marie-Antoinette, c’est ici : https://elisebonnard.com/chroniques-lyonnaises-du-presque-futur-1/
Image : Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve (2017).