À l’origine, le spectacle devait s’appeler Feu de Tout Bois. Et puis, ça a changé. C’est devenu Elles Vivent. Pourquoi ? La réponse dans ce PDF, rédigée par le principal concerné, Antoine Defoort, le metteur en scène de cette pièce. Un flamboyant outsider méta venu d’outre-Quiévrain, pilier de la coopérative franco-belge L’Amicale de Production, qu’on commence à bien connaitre, à force de côtoyer ses avant-postes, ses créations pleine de malices, de blagues bricolées en deux temps, d’audaces low-profile impromptues, depuis ses presque-conférences bêta-testées sur le droit d’auteur jusqu’aux expériences radio-théâtrales interactives (On Traversera le Pont Une Fois Rendu à la Rivière, on vous en parlait ici).
Ici, Elles Vivent se place dans un futur proche. Deux ami.es, Michel et Wolfgang/Taylor, qui s’étaient perdu.es de vue, se recroisent au détour d’une forêt. Pour papoter, faire le point sur les aventures vécues pendant leurs trajectoires séparées, cette amicale doublette utilise opportunément un « mnémoprojecteur », peut-être commandé dans l’édition printemps-été 2028 du catalogue de La Bredoute cher à Fabcaro – dont on retrouve de part en part l’humour saugrenu et acide.
Au gré des vignettes exposées par cette incroyable machine permettant de projeter à loisir ses souvenirs devant soi, de les revivre en trois dimensions, les deux camarades composent un étonnant récit d’introspections attirées aux regard de tou.te.s, orné de galéjades, décousu de digressions, plein de poésie comme d’autodérision. On y survole des questions fondamentales comme on peut monter en épingle d’anecdotiques peccadilles, la magie des paradoxes, Pikachu, le débat démocratique, les promenades sylvestres ; du sérieux jeté pêle-mêle, du foutraque réglé au millimètre façon horlogerie suisse, le tout en double, triple, quintuple dose, foisonnant, enthousiasmant.
Comme l’est, notamment, l’aventure politique d’un de nos deux lurons : s’étant lancé dans le marigot pour la blague, via un informel gloubi-boulga de parti nommé « La Plateforme Contexte et Modalités », l’engrenage s’est enchaîné avec une fluidité telle que, d’un rouage l’autre, l’amusante baudruche s’est retrouvé à ça de siéger sous des ors élyséens, pouvoir quinto-républicain dans la pogne, à la manière de Katerine dans Gaz de France.
À la fois saugrenu et sensé, décalé et intelligent, Elles Vivent nous a tapé dans l’oeil. Aussi, la Nova Bordeaux vous offre des places, mais oui, et ici-même, avec le mot de passe Nova Aime.
Elles vivent, d’Antoine Defoort, du mercredi 6 au vendredi 8 avril @ Carré (Saint-Médard-en-Jalles).