Et on ne maîtrise pas vraiment l’outil…
Comme le relevaient nos excellents confrères de chez Usbek et Rica – dont cet article est une reprise – les progrès énormes menés dans l’édition génique humaine sont aujourd’hui à un tournant, à l’heure où la Chine s’apprête à expérimenter des manipulations à l’aide de l’outil d’édition génique qu’est le CRISPR-Cas9, un ciseau moléculaire sans précédent, directement sur des cellules à même le corps humain.
Or, pour un groupe de chercheurs américains, cet outil pourrait en vérité provoquer des centaines de mutations invisibles sur l’ensemble du génome. Ce qui en fait donc un outil qui n’est pas aussi précis et irréprochable que revendiqué, un outil qui pourrait donc entraîner des mutations imprévisibles dans l’ADN.
C’est sur une étude publiée par Nature Methods et mise en ligne le 30 mai 2017 que s’appuient nos confrères d’Ubsek et Rica, étude fondée sur l’observation d’une souris (quand même, à chaque fois, ces pauvres souris…) dont ils avaient modifié un gène à l’aide du fameux CRISPR. L’opération a parfaitement fonctionné, corrigeant le gène qui rendait la souris aveugle, mais a engendré une série de mutations (1500 en tout) qui concerne des fragments entiers de son ADN. Cette modification concerne notamment le changement d’un nucléotide (là on ne vous cache pas que c’est le moment où on commence à être perdus).
C’est ce changement qui, pour les chercheurs, dont le docteur Stephen H. Tsang, de l’Université de Columbia, peut avoir un impact énorme. C’est la raison pour laquelle il appelle la communauté scientifique à s’alarmer, notamment parce que jusqu’ici les recherches se sont appuyées sur des méthodes de prédictions par algorithmes qui semblent avoir des failles, alors que jamais un séquençage du génome complet n’a été mené. Autrement dit, on va trop vite car le vrai danger sont donc les effets hors-cible de mutations imprévues.
Pourtant, dès juillet, une équipe de l’Université de Sun Yat-Sen, en Chine, s’apprête à démarrer la toute première tentative d’édition génique sur des cellules directement dans le corps humain à l’aide du CRIPSR-Cas9, dans les perspectives de détruire des cellules cancéreuses. C’est un beau geste mais, beaucoup de scientifique semblent bien flipper de l’avancée de ces travaux, quand pour eux notre connaissance de ces processus cellulaires est encore bien trop faible.
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