Sur les ondes de RadiTo.
C’est un certain Reza Ghazinouri qui est à l’origine de cette application pirate de podcasts. Il a grandi dans le nord-est de l’Iran, dans la ville de Mashhad. C’est par le biais de son père qu’il se confronte pour la première fois aux ondes pirates. Lorsqu’il écoutait plusieurs fois par jour la version persane de la BBC, bannie du pays, pour s’informer sur les différents scandales politiques qui secouaient l’Iran.
Comme le raconte Wired, Ghazinouri grandira avec ces radios pirates. Notamment Radio Farda, financée par le gouvernement américain, qui, lorsqu’il étudiait pour ses exams en 2003, couvrait les protestations des étudiants contre la privatisation des universités. Il confie, « Chaque nuit, je m’imaginais protester comme ces étudiants. »
C’est lui qui renouvelle aujourd’hui le genre de la radio pirate avec une application, forcément pirate elle aussi. Entouré d’activistes et de codeurs basés à Berkeley, il lance RadiTo par le biais de l’IranCubator, une organisation indépendante sans but lucratif qui projette de développer de nombreuses applications pour faire évoluer les libertés civiles en Iran.
RadiTo en est le premier projet. Une application pour Android, conçue spécialement pour s’adapter à l’internet du pays. Cet internet, comme le raconte Wired, est caractérisé « par une navigation lente, des connexions coûteuses, et surtout, dominé par une censure draconienne du régime ».
Concrètement, RadiTo permet à ses utilisateurs de se brancher sur des radios étrangères, bannies du pays, comme BBC, Radio Farda, ou encore la néerlandaise Radio Zamaneh. L’objectif final est de permettre à toute personne de créer sa propre chaîne de podcasts.
Parler tabous
RadiTo permettra également, au-delà de l’actualité, de s’informer sur des sujets dont le traitement est limité dans les médias en Iran. Une émission intitulée Tabou s’intéresse notamment à la sexualité avant le mariage ou encore à l’orgasme féminin.
« L’organe de censure du digital en Iran, le conseil suprême du cyber espace, a longtemps bloqué tout le contenu internet qui violait ses sévères restrictions – que ce soit au sujet de la dissidence politique contre le régime ou du contenu culturel considéré comme ‘anti-islamique’. » explique Wired.
Contrer la censure
Ses créateurs ont réfléchi à des stratagèmes pour contrer la censure. L’application se télécharge sur Google Play ou par le biais d’un compte Telegram, une application de messagerie sécurisée. Étant donné que les connexions à Google Play sont cryptées, difficile pour la censure iranienne de bloquer les téléchargements de RadiTo sans bloquer l’intégralité des connections à la boutique en ligne de Google, utilisée par « plus de 70% des détenteurs de smartphones dans le pays », précise Wired.
IranCubator se projette d’ores et déjà dans un nouveau projet, Hamdam, destiné aux femmes, qui comprendra notamment des conseils sur quoi faire face aux violences domestiques. Son fondateur, Mahmoudi, explique à Wired : « Les Iraniens sont technophiles et sont globalement ouverts d’esprit. Ils veulent vivre dans un pays davantage démocratique et ouvert sur le monde. (…) Tous les indicateurs sont là. La technologie est le bon outil pour faire s’engager les gens là où ils ont envie de s’engager. »
La piraterie résonne dans nos têtes de manière séduisante avec dans l’imaginaire collectif, ces radios pirates qui, dans les années 60, défendaient leur musique sur les ondes. L’application RadiTo, elle, défend une mission bien plus politique, celle de casser « la censure, l’isolement et l’oppression », comme on peut le lire sur le site internet de Who We Are.
L’initiative est cependant totalement externalisée, pensée par des codeurs de Berkeley, mise en place par une organisation implantée dans la région de la baie de San Francisco. Et forcément, cela pose des questions sur la nature du projet, qui se résume malgré tout à une intervention, sans consensus et dissimulée, dans les affaires d’un pays.