Olivier Degorce réunit des portraits rares de DJs devenus légendaires dans le livre « Plastic Dreams ».
Au début des années 90, Paris est en pleine effervescence. L’acid house vient d’arriver en France et distribue des « bonnes baffes » à une certaine jeunesse plongée dans Kraftwerk et les Talking Heads, et qui ne se retrouve plus dans la bande-son de la fin des années 80. C’est en tout cas de cette manière qu’Olivier Degorce décrit sa première confrontation à cette musique qui ira de pair avec sa découverte des clubs et des raves.
À l’époque, peu sont ceux qui osent se trimballer un appareil photo en soirée, « c’était pas le trip de tout le monde », commente Olivier Degorce. C’est pourtant rapidement devenu le sien, de trip, puisqu’à partir de 1991, il commence à documenter très naturellement les soirées dans lesquelles il met les pieds et réalise des portraits de DJ intimes et spontanés. « J’ai commencé les photos comme ça, parce que j’avais un appareil de poche. Comme on était dans des endroits cachés, dans les raves, les entrepôts, sur les péniches, on était incognito. Donc je faisais ces photos en me disant que de toute façon elles ne serviraient à rien. » Manu Le Malin, Jeff Mills, Carl Craig, Laurent Garnier, Jérôme Pacman, en tout, ce sont finalement plus de 200 DJ qui croiseront l’appareil de poche d’Olivier Degorce, entre 1991 et 1999.
Des gens normaux
Des gens « normaux » comme les décrit le plasticien et photographe, ce qui lui donnera d’ailleurs l’idée d’appeler un premier livre photo réunissant ces portraits, Normal People (1998). Il s’agissait alors de montrer aux yeux du monde son « trésor caché », des clichés qui pendant longtemps ont véhiculé une image « illicite ». Des clichés qu’il n’avait, pour certains, jamais osé montrer. En avril 1998, ce livre sera d’ailleurs l’ouverture pleine page de Nova Mag.
Seulement, Olivier Degorce est alors loin d’avoir épuisé son stock d’archives. « Comme tout allait très vite dans les années 90, je faisais de la musique, des photos, des jingles pour les radios, j’avais pas le temps de regarder ce que je faisais. Depuis une dizaine d’année je numérise, donc j’ai retrouvé des trucs super. » Un travail fastidieux pour un nouveau témoignage précieux, qui fait l’objet d’un nouveau livre photo de 440 pages, version largement augmentée de Normal People, dans laquelle on croise 220 DJ. Pour le titre, Olivier Degorce a choisi une référence à un morceau du DJ néerlandais Jaydee, « Plastic Dreams ».
« C’est un morceau assez fédérateur : à l’époque parce que tout le monde le jouait. Autant les DJ techno, trance que house jouaient ce morceau. Ce livre est aussi très fédérateur puisqu’il parle de beaucoup de tendances de la musique électronique, ça part du trip-hop pour le plus lent avec DJ Crush et ça va jusqu’à Spiral Tribe pour le hardcore en passant par la trance, la house, la deep, l’electro, il y a tous les styles représentés parce qu’en fait on écoutait tout », explique le photographe.
Plastic Dreams sort sur la maison d’édition rattachée au label Ed Banger, Headbangers Publishing. À sa tête, Pedro Winter, qui de passage dans le Nova Club pour les 15 ans du label, nous parlait du travail d’Olivier Degorce : « Il le dit lui-même, certes c’est un photographe, mais là il avait plus un regard de teufeur. Puisque lui il était là-bas, il avait son appareil, il étais le seul. C’est un espèce de regard très subjectif d’une scène que lui a pris en pleine tête. » Tous les deux s’accordent sur le fait que ce livre n’est pas là pour susciter de la nostalgie, « parce qu’être nostalgique, ça endort » appuyait Pedro Winter. Il s’agit de raconter une histoire, celle d’une époque qu’il ne faut ni fantasmer, ni idéaliser. Olivier Degorce le résume de cette manière : « Les bases de la musique électronique ont peut-être été posées à ce moment-là, mais vous avez tout à faire. »
Une sélection de photos extraites de Plastic Dreams :
Plastic Dreams sortait le 22 février chez Headbangers publishing, vous pouvez le commander ici.
Visuel de couverture : Jérôme Pacman (FR), Queen, Paris, 1994 / © Olivier Degorce – Plastic Dreams – Headbangers Publishing