“Quand je vois le Christ en croix, les bras m’en tombent” disait Paul Claudel. On aurait été curieux d’assister à la réaction de l’écrivain face à l’expérimentation de la Chapelle Saint-Pierre. La plus ancienne église de Lucerne a recueilli près de 1000 conversations de ses fidèles, avec l’aide d’une entité bien particulière : « Deus in machina », un avatar numérique… de Jésus-Christ lui-même.
Entre les murs d’une église, un « Dieu dans la machine »
« Deus in machina« , tel est le nom du projet étonnant de la Chapelle Saint-Pierre, la plus ancienne église de Lucerne, cette petite commune suisse connue pour son architecture médiévale particulièrement bien préservée (mais c’est une autre histoire…). « Deus in Machina« , soit, en français, « Dieu dans la machine« , a consisté à recueillir les « conversations« , « dialogues » ou « confessions » d’un millier de fidèles avec une intelligence artificielle surprenante, puisque c’est une représentation digitale… de Jésus-Christ.
Franc succès pour cette « performance » numérique
Pour l’église de Lucerne, Deus in machina n’était pas qu’un simple projet. Il s’agissait plutôt d’une performance qui avait pour objectif de contribuer à « l’élévation du sentiment artistique par une collaboration entre clergé et artistes« . La Chapelle Saint-Pierre vient de présenter le bilan, assez éloquent, de cette expérimentation. En effet, en deux mois, de la mi-août à la mi-octobre, l’expérience transcendante a permis de compiler environ 1000 échanges oraux entre les fidèles et le Fils de Dieu.
Le concept de performance est important, car si les voix du seigneur sont impénétrables, celle du Messie ne l’était pas vraiment. Pour éviter le tout et n’importe quoi, les éventuelles provocations de quelques mécréants mal intentionnés, cet avatar numérique de Jésus était connecté à une version retravaillée de ChatGPT fournissant des réponses formatées, nourries, basées sur le Nouveau Testament.
« AI-Jesus » vous écoute…
Ainsi, d’août à octobre, l’église de Lucerne a fait installer sur un des murs du confessionnal une image de Jésus auréolé d’une couronne de chiffres verts, comme un algorithme. La majorité des 1000 conversations avec « AI-Jesus« , le nom officieux du projet, ont eu lieu en allemand, mais la machine a aussi prodigué ses conseils en anglais, français, russe, espagnol, italien, hongrois, portugais, chinois, turc et polonais. 60% des participant‧es ont trouvé l’échange spirituellement stimulant. Des questions ont été posées sur les abus au sein de l’Église, le sens de la vie, la maladie, la mort, la guerre. Les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient ont été abordés plusieurs fois. Des questions plus personnelles ont aussi été posées, sur la manière de trouver l’amour, par exemple.
Le Vatican valide, mais seulement pour cette fois
L’installation a connu un vif succès et il n’y a pas eu d’incident, bien que certaines et certains fidèles, soient opposé‧es à toute forme de représentation de Jésus. Ce qui n’était pas le cas du Vatican, qui a validé l’initiative, en précisant néanmoins qu’elle ne devrait pas être renouvelée…