Où le musicien discute de ses références jazz avec David Blot.
En marge de l’expérience Zombie Zombie, Étienne Jaumet sort son troisième album solo Huit Regards Obliques sur son label fétiche Versatile Records. De Sun Ra (« Nuclear war ») à Miles Davis (« Shhh Peacefull »), de « Theme from a symphony » d’Ornette Coleman à « Caravan » de Duke Ellington, Jaumet revisite et rend hommage à ses pairs, qui lui ont fait, depuis bien longtemps, découvrir le jazz. Il était notre invité dans le Nova Club le 31 octobre dernier.
Depuis combien de temps as-tu en tête de sortir un disque de reprises de jazz ?
Étienne Jaumet : Depuis que je fais des reprises ! J’ai beaucoup joué ces morceaux, je les jouais dans ma chambre, ils étaient accessibles. Celui de Coltrane par exemple, le thème est hyper simple mais très fort.
On joue dans sa chambre du jazz comme les gens jouaient de la guitare, en se prenant pour une rockstar ?
Étienne Jaumet : Exactement. J’essayais de faire des solos, mais j’ai constaté que ça n’était pas possible, du coup ça m’a poussé à improviser et à trouver ma propre voie. Je sentais bien que je ne serais jamais au niveau des artistes que j’écoutais.
Peut-être plaçais-tu la barre trop haut ?
Étienne Jaumet : J’ai choisi ces morceaux car je pensais qu’ils étaient à ma portée. Même si les artistes sont très prestigieux ce ne sont pas des morceaux très compliqués.
À quel âge tu faisais ça devant ta glace ?
Étienne Jaumet : Adolescent, j’ai commencé le saxo à 11 ans, à jouer du jazz dans des orchestres, mais ça ne me plaisait pas trop ces trucs un peu Nouvelle-Orléans ou fanfare. Moi ce qui me plaisait c’était Coltrane, des choses plus barrées.
C’est rare quand on est ado, généralement les gens sont plus rock’n roll, hip hop ou techno, non ? Tu avais des amis avec qui tu pouvais parler de cette passion du jazz ?
Étienne Jaumet : Elle est venue petit à petit cette passion. C’est une musique un peu difficile, ce qui explique qu’il y a assez peu de jeunes qui l’aiment, même si aujourd’hui ça revient très fort. Tu rentres dans le jazz à travers un artiste. Coltrane est un bon exemple car il a collaboré avec tellement d’artistes que ça m’a donné des références géniales. Après l’avoir écouté je me suis mis à écouter Pharoa Sanders, Eric Dolphy, sa femme Alice Coltrane… Il a aussi fait un disque avec Duke Ellington, qui est fabuleux.
C’est quoi la définition de « oblique » ? Pourquoi employer ce terme, « regarder de travers » ?
Étienne Jaumet : Regarder en coin oui. Cette référence au jeu de carte « Oblique » de Brian Eno m’amusait. Tous les ingénieurs du son ont déjà travaillé avec, en cas de panne tu tires une carte « stratégie oblique » et ça te donne une solution. « Effacez tout ce que vous avez fait avant » ou « ne pas jouer telle note aujourd’hui » par exemple (il rit). J’aime ce côté de déplacer le problème, d’être décalé. C’est l’idée de regarder dans une direction, mais avec un pas de côté.
Tu as enregistré ton album assez vite. Tu connaissais déjà les morceaux sur le bout des doigts ou tu as eu besoin de les remettre ?
Étienne Jaumet : Miles Davis, j’ai eu besoin de le réécouter car le thème est assez flou, c’est davantage une ambiance. Pour d’autres, j’étais persuadé que c’était moi qui les avais composé tellement ils étaient enfouis dans ma mémoire.
Visuel © Philippe Lebruman