Polar rock et éthique old school ?
La planète rock – ou ce qu’il en reste – a toujours été pleine de clans, de jalousies, de conflits inutiles. Patrick Eudeline, rock critic de longue date, a su régulièrement pondre des romans débordants de la vie rock à Paris, en plus de ses articles (Best, Actuel, Nova Mag, Rock & Folk etc.)
Pourquoi est-il si contesté ? Il a toujours suivi son chemin de spécialiste, dandy, fan de rock et d’attitudes, clamant l’éthique rock sans faiblir. Il est peut-être le dernier des Mohicans, des gonzos, ou des passionnés de culture, peut-être marginal, mais essentiel pour nous.
Il fut le chanteur d’Asphalt Jungle, groupe punk pionnier français, et il en a tiré l’Aventure Punk, un texte flash à la Jean-Jacques Schuhl, qui est resté comme un pavé dans le showbiz.
Je me souviens quand il a sorti chez Florent Massot son roman Ce siècle aura ta peau, une histoire belle et dure entre polar, roman de mœurs et drame psychologique. Despentes lui doit beaucoup.
Il y eut d’autres romans : Dansons sous les bombes, ses articles en volume « Gonzo », « Soucoupes violentes », « Rue des martyrs », « Vénéneuse »…Jusqu’à ces « Panthères grises »…
Vieux rockers
Ce dernier volume raconte les désillusions de vieux rockers d’un vieux groupe, et leur capacité à rebondir sur une rencontre, à risquer à nouveau quelque chose, dans des vies devenues ternes et tristes.
Mais surtout ce livre dresse le catalogue des conneries de notre époques : des trucs de beauf comme le barbecue ou les écrans géants aux obsessions bobo (la cuisine, la technologie, la frime, le standing). L’incapacité à classer les choses par ordre d’importance ou d’esthétique.
Et c’est là tout le sujet d’Eudeline : l’esthétique, le comportement, la classe, le panache, l’aristocratie des pauvres, des rockers, des zonards. Il porte le flambeau d’une époque accidentelle (1955-1985 ?) d’un miracle historique où chaque jour voyait un disque de qualité, chaque mois des groupes notables, des artistes planants, élégants, doués et inspirés balayaient nos vies dans une tempête d’air pur.
Des générations de chanceux, ne savaient plus ou donner de la tête : les magazines, les concerts n’arrivaient pas à endiguer ce flot d’artistes, ni à rassasier une jeunesse affamée de vie, d’idées, de tentatives…
Patrick Eudeline constate la fin du truc, et se demande comment vivre après, pendant que des archivistes en ont pour des décennies à reclasser et sauver les œuvres innombrables de cette époque.
Alors son maniérisme culturel, son excentricité vestimentaire, ses obsessions Pop Rock et bien d’autres excès ou dérives lui sont propres : elles font partie de son personnage depuis près d’un demi-siècle et je le soutiendrai contre toutes les attaques sur l’authenticité, car elles sont hors-sujet. Les derniers mousquetaires doivent être défendus, même sans cause.
Les panthères grises. Un roman de Patrick Eudeline. Éditions de la Martinière. 176 pages. 17 Euros 50.
Visuel : (c) Éditions de la Martinière