Le Liban, la Garonne et l’espace public, au sens large. S’il fallait condenser cette sixième édition du FAB (le Festival International des Arts de Bordeaux Métropole, pour les allergiques aux acronymes) en quelques lieux clés, quelques fils géographiques directifs, ce sera ceux-là. Détaillons un brin l’affaire – vous pouvez scroller vers le bas.
Ou plutôt vers le sud-est ; vers le pays des Cèdres et du fugitif Carlos Ghosn : le Liban. Un pays plongé dans une terrible crise, tous azimuts (humanitaire, économique, politique, sanitaire, etc.), crise qui a explosé au grand jour, de façon on ne peut plus littérale, à l’août 2020 sur le port de Beyrouth. Situation difficile, inextricable, à laquelle sont confronté.e.s les artistes libanais.es. Aussi, pour mettre en lumière leurs travaux, aider à l’élaboration de leurs recherches, une trentaine d’entre elleux (le danseur Khouloud Yassine, l’architecte et plasticien Charbel Samuel Aoun, le collectif photo Stillness in the Fall, etc.) seront conviés à ce FAB #6, en complicité avec l’Hammana Artist House, pour des performances, des expositions, des ateliers de création.
Des rencontres, des croisements, à la soirée d’ouverture par exemple, du côté de la Fabrique Pola, qui battra pavillon libanais, notamment grâce à la venue du duo Love and Revenge, machines, ouds électriques et projections de films rendant hommage au glamour de l’âge d’or du cinéma arabe. Autre concert à guetter : les Quelques Mélodies du trompettiste Ibrahim Maalouf dont le souffle mélancolique et cuivré flottera au-dessus des Bassins à Flots.
L’eau, justement, celle de la Garonne, dont cette sixième édition se rapprochera bien souvent, au gré de ses implantations diverses, à Bordeaux comme en dehors. À la Fabrique Pola et aux Bassins à Flots, on l’a dit, mais aussi du côté de la Benauge, des jardins de la Cité du Vin et, bien plus symbolique encore, sur les même du fleuve pour un projet inédit, La Dispersion du Milieu, construction in situ d’un objet encore non-identifié (la photo ci-dessous n’ayant rien de certain ou de contractuel), même par les services les mieux renseignés, qui peuvent tout de même vous donner l’identité de ses concepteur.ices : le déjà cité Charbel Samuel Aoun et le collectif bordelais Cancan.
Et enfin, l’espace public, celui de la scène, celui de la rue, des parcs et même celui des airs, que le FAB se fait une joie de réinvestir tout au long de ces trois semaines de spectacles en pagaille. Une centaine de représentations exactement, pour 30 spectacles et expositions, dont 15 nouvelles créations parmi lesquelles six premières françaises. Voilà pour les chiffres. La programmation complète, elle est à lire, à feuilleter, à consulter par ici.
Au sein de cette liste, on peut mettre en exergue quelques spectacles :
Dimanche, pièce sans paroles (mais à grands renforts de décors et des marionnettes) transperçant l’écran pour dépeindre à la fois la morosité montante d’un déjeuner dominical et les péripéties rocambolesques de reporters animaliers dans le poste TV ;
True Copy, où le Groupe Berlin se penche sur le cas du collectionneur et faussaire Geert Van Janssen, maître pour emmêler l’authentique et le contrefait ;
Fuck Me, l’extravagant autoportrait d’une Marina Otero missionnant cinq danseurs dénudés pour « prêter leurs corps à [sa] cause narcissique », dixit l’autrice, qui revient là sur les heures sombres de sa rééducation post-opératoire ;
Work, fantas(ti)que chantier, avec des clous, des scies, des rouleaux de peinture et des masques d’ânes, mené tambour battant par quatre bricoleurs scéniques, quatre esprits agités, guidés par Claudio Stellato ;
BôPEUPL, sous-titré « Nouvelles du parc humain » par Michel Schweizer, l’auteur de cette pièce qu’on pourrait comparer à une sorte de Breakfast Club aux visées collectives et humanistes. Une société modèle miniature, mais dont l’édification vise large par la diversité de ses expériences, la fragilité de ses postures et la richesse que peuvent apporter ces liens, nécessaires, qui se tissent et se nouent entre les gens ;
Un Poignard dans la Poche, portrait acide d’une cellule familiale qui vrille peu à peu, entre arrivée d’une belle-fille, engagement politique, propos emportés ou perte d’idéaux lâchés il y a bien longtemps. Une rencontre de deux générations, de deux mondes, vues par une serrure crochetée en forme de vortex sans cesse plus déraillant.
Pour qu’un billet pour l’un de ses spectacles vous tombe tout cuit dans la poche, suivez CE LIEN, TOUT À FAIT, C’EST ÇA, avec le mot de passe Nova Aime qui va bien.
FAB #6, du vendredi 1er au dimanche 23 octobre @ un peu partout dans Bordeaux Métropole.