Battue à l’entrée de son université par la milice bassidji iranienne, Ahou Daryaei s’est déshabillée dans les rues de Téhéran, en signe de protestation. Un acte de courage absolu, qui a conduit à son internement forcé en hôpital psychiatrique. La jeune femme a inspiré des artistes du monde entier : en 48h, elle est devenue une icône.
Ahou Daryaei est devenue une icône en l’espace de 48h. Ce samedi, l’étudiante iranienne ôtait ses habits, devant l’université privée Azad de Téhéran, dans le nord de la capitale iranienne… Souvenons-nous de son nom, qui résonne avec celui de Mahsa Amini, 22 ans, morte en octobre 2022, après avoir été arrêtée par la police des mœurs d’Iran pour « port de vêtements inappropriés« .
Se dénuder pour lutter
Au départ, Ahou Daryaei souhaite simplement entrer dans l’un des bâtiments de son campus, où elle étudie la littérature. Mais la jeune femme se retrouve confrontée aux membres de la milice bassidji, une force paramilitaire à laquelle les autorités font régulièrement appel. Daryaei refuse de porter le « maghnaeh‘« , ce tissu noir qui doit couvrir la tête, le front, le menton et la poitrine et qui est obligatoire dans toutes les universités iraniennes. Devant l’extrême violence physique des Basidji, l’étudiante fait preuve d’une démonstration de courage extraordinaire : en signe de protestation, elle se déshabille presque entièrement.
Un « symbole de rébellion contre la misogynie »
Une fois en culotte, soutif et pieds nus, Ahou Daryaei s’installe d’abord sur un muret, puis se lève et marche pendant de longues minutes, sous les regards incrédules, avant d’être inévitablement arrêtée. Selon les mots de la militante iranienne Narges Mohammadi, qui écrit depuis la prison, Daryaei a “utilisé son corps comme symbole de rébellion contre la misogynie« du régime iranien. La vidéo de cet acte héroïque de désobéissance civile a fait le tour du monde.
« Femme, Vie, Nudité »
« Femme, Vie, Nudité« , plaisante la dessinatrice Coco, alors que des dizaines d’autres artistes se sont essayés à adapter en dessin ce qui est devenue une image historique. Certains représentent Daryaei en géante au milieu de minuscules autres personnages…
De la couleur dans le noir et blanc intégriste
…D’autres reprennent les images originales en teintant tout le paysage de noir et blanc, cassé par l’image de l’étudiante en sous-vêtements, l’unique élément coloré. Des illustrateurs ajoutent également des slogans ou des poèmes.
Prendre le relai (de la lutte)
Un dessin en particulier se distingue par le lien qu’il construit entre le passé, le présent et le futur de l’Iran. On y observe Daryaei attraper un bâton de relai que lui tend une certaine Vida Movahed. Cette militante féministe iranienne s’était illustrée en 2017 pour avoir brandi son foulard accroché sur une branche dans une rue de Téhéran. Cette image, c’est celle d’une quête symbolique de la liberté et d’un gros doigt d’honneur qui a requis un courage immense.
La République Islamique parle d’une “maladie du dévoilement »
D’après un média iranien affilié aux gardiens de la révolution, après sa violente arrestation, Ahou Daryaei aurait été placée en hôpital psychiatrique. Ce n’est pas un procédé rare pour la République Islamique, qui n’hésite pas à parler de la “maladie du dévoilement”, un prétendu trouble psychiatrique d’exhibitionnisme, qui pousserait les femmes à vouloir montrer leurs cheveux et leur corps… Le régime a enfermé ainsi de nombreuses femmes, qui dénoncent des conditions de vie terribles dans ces services psychiatriques, torturées par les surdosages de médicaments et les violences permanentes des geôliers.
L’importance du souvenir
Souvenons-nous du nom de cette incroyable résistante ! Elle s’appelle Ahou Daryaei, elle a 30 ans, mariée et mère de deux enfants, étudiante en littérature française, et désormais une icône de la lutte contre l’oppression des femmes !