Un rendez-vous majeur. À plus d’un égard. Au moment de célébrer sa dix-huitième édition, le Festival Bordeaux Rock a entrepris de présenter bien, non sans bouger quelques iotas au passage. Sur le plan calendaire, notamment. Jadis calé fin janvier, c’est dorénavant à la mi-mars que l’évènement bordelais s’ancre dans les agendas.
Pour le reste, on est sur du traditionnel. En conséquence, le mercredi, c’est « Rock en ville » ! Mis à mal par la bérézina des caf’conc’ locaux (so long Void, Wunderbar, BT Saint-Michel, Chicho et autres haltes régulières des années 10), le circuit itinérant reprend, malgré tout, du poil de la bête, dans une version gratuite et resserrée, autour de quatre lieux – cinq si l’on inclut la Bibliothèque Mériadeck, où la projection du film-concert Nexus fournira un expérimental avant-propos.
Citons-les, dans l’ordre institué par le bracelet-montre : il y aura l’Athénée Libertaire qui a remis ses clefs au collectif Flippin’ Freaks et ses poulains Courtney & The Wolves et Big Idea ; le fief zythologue du Lucifer où le garage-rock de Stoner Bud’s et la coldwave de Noirset s’ébattront librement ; le Central do Brasil, officieux QG de l’asso Medusyne, qui conviera, une caïpi dans le cornet, M3C et DJ Donna ; et enfin, L’Avant-Scène, où le noise-rock en crampons de 16 d’Équipe de Foot sera en vedette, en bons amis du lieu (comme de ses nouveaux proprios, qu’on vous joue à l’antenne régulièrement).
Maintenant que tout le monde est chaud patate, après cette soirée d’ouverture pour monter en température, direction le Grand Parc. Précédés par l’électroclash grand-cru de Kap Bambino, c’est Thurston Moore qui répondra une nouvelle fois à l’appel de Bordeaux Rock. Après ses concerts au CAPC en 2017 puis au Grand Parc (déjà) en 2019, l’ex-Sonic Youth entreprendra de réussir la passe de trois, brelan de branlées soniques, guitares au poing comme d’autres ont des vipères, escorté par son escouade de chercheur.ses de noise patenté.es, parmi lesquel.les Lee Ranaldo et Debbie Googe (My Bloody Valentine) ne sont pas les moins vibrionnant.es.
Électricité toujours, le lendemain, où à défaut de tirer les premiers comme on leur accorde parfois le privilège, les Anglais enverront l’un des meilleurs représentants de leur post-punk qui va bien, très bien, thank for them. Yard Act, Idles, PVA, Fontaines DC, Sinead O’Brien, Working Men’s Club, Nilüfer Yanya, Squid … Une myriade de noms, de groupes, de disques parmi lesquels les oeuvres de Shame ne déparent en rien. Découverts par beaucoup, ici, grâce à leur fougueuse prestation au Jalles House Rock 2017 où ils faisaient pourtant figure d’appelés de dernière minute, chargés d’ouvrir le bal sous un soleil de plomb, Shame a depuis creusé son sillon, rodé sa formule, enrichi sa palette, piochant chez Franz Ferdinand comme chez les Happy Mondays.
Avec sous le bras leur deuxième opus, Drunk Tank Pink, le groupe emmené par Charlie Steen (à ne pas confondre avec Charlie Sheen, attention, ça se joue à une lettre près) se consolera vite de l’annulation de leur tournée nord-américaine en décuplant sa furia pleine d’orgueil, de feu et de guitares convulsives lors de cette étape bordelaise où les absent.es auront tort, plus encore que de coutume.
Le samedi, on souffle, on reprend ses esprits, et puis rebelote, pour un finish en beauté ! Priorité au local tout d’abord, avec l’indie-pop de Jach Ernest qui dévoilera quelques sucs, la moelle douce-amère d’un futur os discographique à ronger au printemps (Esconaquito, leur quatrième album), ainsi qu’Handy Curse, projet folk de Samuel Roux (à qui l’on doit aussi la traduction du très bon bouquin Sex Revolts), pour qui ce sera l’occasion d’un fulgurant flashback : « Ça me fait drôle, dit-il, parce qu’il y a sept ans, avec Casablanca [NDLA : son groupe d’alors], on faisait la première partie des Babyshambles au Krakatoa. À l’époque, Peter s’appelait Pete, il n’était pas encore Normand, et moi j’avais moins de barbe et plus de dents. »
Parce que, oui, vous l’aurez compris, c’est Peter Doherty qui apparaîtra ensuite en tenue de gala, digne de son statut de tête d’affiche de ce Bordeaux Rock #18. Après quelques années de purgatoire, c’est un Doherty plus replet mais aussi plus serein qui revient dans le Bordelais (quatre ans après son concert, pas toujours d’aplomb, à Climax), remis en selle par Frédéric Lô, qui espère réitérer l’opération lazaréenne qui avait si bien réussi à Daniel Darc (sur Crève-Coeur et Amours Suprêmes).
Ce qui a l’air bien parti, à en juger par les compositions de The Fantasy Life of Poetry & Crime ; un album sonnant davantage – lexique, esperluette, orchestrations – dandy XIXe en frac que lad inconséquent tout droit sorti de Trainspotting. Des chansons que l’ex-icône turbulente du rock UK à Converse jouera accompagné d’une tripotée de musiciens anglais déjà croisés dans Babyshambles et Puta Madres, ainsi que d’une section de cordes dépêchée pour le coup d’envoi d’une tournée européenne.
Et tout cela trouvera son point de conclusion sur le dancefloor marin de l’IBoat, où 45 Tours Mon Amour et Charles Prat de Musique d’Apéritif ferrailleront avec des sets estampillés dark disco.
Et cerise sur le gâteau, la Radio Nova Bordeaux, soutien de longue date de ce festival, s’est mise en quatre pour vous y inviter. Pour être l’un.e des heureux.ses élu.es, ça se passe ici avec, comme nécessaire pré-requis, le mot de passe Nova Aime.
Festival Bordeaux Rock #18, du 9 au 12 mars @ Salle des Fêtes du Grand Parc et autres lieux de Bordeaux centre. Plus d’infos sur bordeauxrock.com