Histoire de coincer la bulle et de garder la ligne à l’approche de l’automne, quoi de mieux que les traits assurés du Festival Gribouillis ? Graphisme, illustration, neuvième art sous ses coutures indé, rock, colorées, engagées ou arty : voilà ce qui sera mis en lumière lors de cette deuxième édition, du jeudi 15 au dimanche 18 septembre.
À ce programme d’une appréciable densité, il y aura, point nodal des quatre jours, un salon, un grand marché dans la halle du Garage Moderne où les crics, pinces et autres outils de bricolage auront cédé la place aux crayons, aux stylos et aux tréteaux. Un bâtiment en forme de QG, de ruche où faire son miel bédéphile, en se baladant sur les stands des libraires indépendants, des petits éditeurs, des publications largement imagées, des invité.es et des habitué.es du lieu. Parmi ces dernier.es, on ne pourra citer tout le monde (la liste est là), mais sachez que vous pourrez tailler le bout de gras avec la Suissesse Fanny Dreyer, conteuse synesthète adepte des milieux alpins, avec Léa Murawiec, autrice de l’épatant Grand Vide, avec l’Agenais Nicolas Dumontheuil ou encore Clément Vuillier, sociétaire des éditions 2024.
Autour de ce Garage tout sauf hermétique (à part pour le clin d’oeil), Gribouillis plantera aussi son drapeau sur une multitude de lieux du centre-ville bordelais comme de ses alentours. On pourra ainsi se diriger, en sollicitant ses mollets à vélo ou en tram pour les autres, vers les hauteurs cenonaises, au Rocher de Palmer, où le pianiste Stephan Olivia et le chanteur Dominique A (dont le nouveau LP sortira pile ce vendredi) aideront le dessinateur Philippe Dupuy à transposer sur scène, à amplifier, le temps d’une performance graphico-musicale, les inspirations, les idées, les effets de son album J’aurais voulu faire de la bande dessinée, plongée dans les arcanes de la création, avant qu’elle ne mérite ce nom.
Banlieue toujours, à Pessac, du côté de la fac Bordeaux Montaigne : c’est là où, le jeudi après-midi, se tiendront une poignée de conférences où le jeu vaudra sans doute de poser un jour de congé (ou de se débrouiller pour sortir plus tôt du taf). C’est qu’y seront convié.es la peintre et illustratrice Nadja (également exposée à la bibliothèque Mériadeck), le chercheur et monographe des Images Libres (on en reparlera) Loïc Boyer, l’éditrice Christine Morault mais aussi un nom qui résonne avec un écho et un éclat particuliers pour qui s’intéresse un tantinet au graphisme, aux logos, aux dessins techniques : le fameux Étienne Robial, celui qui a créé la notion même d’habillage, celui qui a changé l’esthétique des médias comme Loewy avait révolutionné l’esthétique industrielle, créant les bandeaux, la cohérence, l’identité visuelle de Métal Hurlant (et des Humanoïdes Associés), de Canal +, de Futuropolis et bien d’autres encore.
Gribouillis sera l’occasion de souffler les vingt bougies d’un lieu qui a souvent bourlingué avant de se fixer, depuis quelques années, sur les rives immédiates de la Garonne : la Fabrique Pola qui profitera de cette fenêtre festive pour s’ne donner à coeur joie, avec des concerts (les discoïdes Wallons de Mono Siren, le garage-punk des Anomalys), des grillades, des expos et des DJ sets parmi lesquels vous pourrez saluer, bien bas comme il se doit, les sélections psyché-pop, library, fuzz 60s, d’un Forever Pavot venu en ami et voisin (et à qui on demandera volontiers où en est l’avancée de son prochain album, très attendu ici).
Mais n’en déplaise à tous ces illustres messieurs – Ané, Robial, Sornin … -, la star de ce Gribouillis, ce sera sans doute Camille Lavaud. L’autrice de cette aventure de l’underground – à plus d’un titre – qu’est La Vie Souterraine (lauré du Fauve Révélation au dernier Festival d’Angoulême), à qui l’on doit aussi quelques belles affiches pastichant les polars 50s et des pochettes de compilations Born Bad (Mobilisation Générale, Salvador, Évariste et les deux Vassiliu), sera coiffée d’une belle panoplie de casquettes. On la verra comme autrice, comme vedette d’une exposition intitulée Le Bal des Silencieux qui lèvera – à coups d’affiches, de décors, d’originaux, de bandes-annonces – quelques coins du voile sur son futur livre, suite à La Vie Souterraine. Mais aussi comme curatrice et présentatrice filmiques, en lever de rideau du Silence de la Mer de Jean-Pierre Melville, long-métrage de 1949 choisi par ses soins et projeté sur les écrans du Cinéma Utopia en séance spéciale.
Camille Lavaud donc, mais aussi la grande Nicole Claveloux, dont les images libres (vous voyez, qu’on en reparle !) empliront de leur fantaisie 70s et de leurs couleurs chamarrées l’Espace Saint-Rémi. D’une créativité jamais démentie, ses oeuvres empreintes de psychédélisme et de liberté post-soixante-huitarde, de l’ébouriffant Alala les Télémorphoses à La Main Verte récemment rééditée par Cornélius, continuent de ravir, d’émerveiller et de sidérer. Ayant fait l’objet d’une superbe exposition à Lyon, pays du magazine Okapi (dont les Unes, fantastiques, n’ont rien à envier à Actuel), les dessins, peintures, illustrations de Claveloux seront présentées par l’autrice elle-même, qui détaillera, presque cinq décennies plus tard, les raisonnements et les résonances de ces splendeurs ondulées qui envoûtent bien au-delà du public enfantin, ou pré-adolescent, pour lequel ces oeuvres étaient à l’origine destinées.
Autres exposition, à la librairie Disparate, les fanzineux.ses verront avec « Nom d’expo date précise » les derniers panneaux au feutre et à l’encre de l’illustrateur bordelais Sylvain Havec, qu’on sait aussi habile pour la jouer mosaïques hyper-précises à la Chris Ware que pied-de-nez potaches façon Journal de Mickey DIY, avec ses aplats de couleurs et ses oiseaux qui clopent.
Et enfin, le festival Gribouillis placera à la Mauvaise Réputation quelques-uns des segments les plus détonnants, les plus vivants, du Vernon Subutex tel que Luz l’a croqué, dans un premier volume en 2020, puis dans un second – encore inédit – à paraître fin septembre, histoire de continuer à parler de Despentes.
Ça fait déjà pas mal à voir, à lire, à parcourir et à sillonner. Il y a en tout cas une bonne partie de la page qui est noircie sur l’agenda. Et comme je ne pourrais pas tout vous dire sur ce qu’il reste, je me contenterai de vous orienter vers le site du festival, il est complet, il est ici, si vous désirez fouiller de fond en comble, de la première à la quatrième de couverture, la moindre case de ce rendez-vous ; ce Gribouillis #2 pour lequel, à nos yeux, peu de prétextes seront recevables si vous y faites l’impasse.
Festival Gribouillis #2, du jeudi 15 au dimanche 18 septembre @ Garage Moderne, Fabrique Pola, etc. (Bordeaux). Plus d’informations sur festivalgribouillis.fr