Il ne sera pas dit ici que les lucanes (les plus grands coléoptères d’Europe, pour le trivia animalier) s’effraient de la flamme. Alors que le relais de la torche à Coubertin s’invite en terres girondines et phagocyte les attentions médiatiques et policières, le festival Invasion de Lucanes a choisi de maintenir sa 13e édition, « quoi qu’il en coûte », contre vents, marées et célébrations cocardières.
Une ténacité symbolique à saluer – surtout qu’on se souvient de certaines récentes déclarations ministérielles, désinvoltes et méprisantes – mais qui n’est pas le seul motif de vouloir participer (c’est l’important, dixit) au rendez-vous libournais mis sur pied par l’association Lucane Music. Un rendez-vous qui, soit dit en passant, entérine l’adoption d’un rythme biennal (autrement dit : prochaine édition en 2026), afin de retrouver une régularité d’organisation (perturbée par le Covid) tout en continuant à bien faire les choses, qu’il s’agisse de qualité de programmation, d’accueil convivial, de modération tarifaire et d’enthousiasme déployé.
Passons sur la présence de Tagada Jones à l’affiche, même si on espère qu’ils ont fait amende honorable par rapport à l’affaire Rage Tour soulevée par Médiapart en 2021. Concentrons-nous plutôt sur quelques autres des invités que vous pourrez croiser au confluent de l’Isle et de la Dordogne. Parmi celleux-là, évoquons par exemple la fierté audonienne – peut-être, d’ailleurs, revêtiront-ils le maillot vert à l’étoile rouge du Red Star, qui sait ? – qu’est The Psychotic Monks.
Déjà croisés quelques fois dans les parages, les rockeur.ses de Saint-Ouen ont encore densifié, tonifié, amplifié leur manière noisy-pop, âpre, incisive, foudroyante, faisant gicler alentour des gerbes d’étincelles comme une meuleuse sur une plaque d’acier. Témoin de cette évolution spectaculaire, leur troisième album Pink Colour Surgery, paru en 2023 sur le label bordelais Vicious Circle : une impressionnante furia qui n’aurait pas déparé au CV du regretté Steve Albini, lui aussi grand sculpteur de ces monolithes bruitistes aux arêtes nettes et coupantes, balancées sans sommation avec une implication maximale, et faisant tout valdinguer, implacables et triomphantes, comme des monster trucks cheatés dans Age of Empire III (wee ooh wee ooh, celleux qui savent savent). Des exemples ? L’impétueux « Post-Post-« , « Crash » ou l’XXL « All That Fall », récemment clipé dans un véritable court-métrage.
Et en live, ça monte encore d’un cran. Il n’y aura pas photo, dans la cité natale d’Eugène Atget.
Je faisais une brève allusion au football tout à l’heure, en pleines Lucanes, mais je ne suis pas tout seul, visiblement : Kid Francescoli s’adonne aussi à l’exercice. Sous son alias faisant référence à un virtuose de l’OM période Tapie, le Marseillais Mathieu Hocine, entouré de Julia Minkin et du batteur live Mathieu Chrétien, sera sur ce terrain de jeu pour déployer ses chansons électronica, nappés de claviers, nimbées d’éther.
À son aise en toutes circonstances, jusqu’aux plus inattendues (des Nuits Zébrées à la série Emily in Paris), Kid Francescoli est parmi les aînés de cette génération d’électroniciens sensibles, aux compos légères et épineuses, (à) fleur (de peau) bleue – les Antonin Appaix, Malik Djoudi, Flavien Berger, etc. Un aîné qui en a encore sous la pédale (d’effet) : pour preuve, son dernier album, Sunset Blue, panorama soleil couchant sur une aquatique fusion de Méditerranée et de Pacifique, de yacht-rock mélo et de synthpop à écouter sur sa mourre de pouar, de lignes de chance désinvoltes et de ce rêve californien chanté avant-hier par Mama’s & The Papa’s.
Mais aussi le local de l’étape Flanagan, les astuces technoïdes d’un certain Roland Cristal, sampler sans peur prolongeant l’axe Salut C’est Cool/ Marc Rebillet/Mr. Oizo. Ou encore, venus d’outre-Manche tel un Richard au palpitant léonin, les Londoniens de Madmadmad.
Un mot compte triple pour une musique aux innombrables exposants ; des multiprises en cascade envoyant leur content de disco-not-disco revu et corrigé par les techno-réseaux Dada et les dystopies de la data. Tension acide et frénésie distordue : voilà les deux pôles magnétisant le punk-funk mutant et lacéré de leur disque, Behavioural Sink Delirium, mis au point avec le renfort d’Eddie Stevens, l’ancien complice de Roisin Murphy.
Des lives en ribambelle, auxquels s’ajouteront, pour ne rien gâcher, quelques DJ-sets offerts par les selectors électro-mais-pas-que de l’IBoat mais aussi par notre ondoyante maison ; la Radio Nova Bordeaux qui activera le mode « forain romantique » de ses platines afin de mouvoir et d’émouvoir le choeur populeux des noceur.ses, des curieux.ses et des esthètes, tout en veillant à ne pas renverser sa LaPépie par-dessus bord.
Nova Bordeaux vous offre des places pour vous faufiler parmi les festivalier.es de cette Invasion de Lucanes, véritable bombe entomique. La procédure ? Glaner, ici, le mot de passe Nova Aime et le cocher dans le formulaire ci-dessous, en croisant les doigts.