C’est au moins l’une des bonnes nouvelles de 2020 : ni la pandémie, ni les plateformes n’ont eu la peau de Musical Écran, sixième du nom. Habituellement calé au printemps, le festival bordelais s’est cette année glissé, par la force des choses, en septembre, dans ce moment du calendrier où l’on range l’écran solaire pour l’écran tout court – et le grand, tant qu’à faire.
Pour ça, direction la bonne adresse des cinéphiles bordelais, l’ancienne église Saint-Siméon devenue le Cinéma Utopia, où les divinités du cinéma et de la musique trouveront un merveilleuse terre d’élection, avec une programmation éclectique qui appâte le spectateur bien comme il faut. Pour preuve, le trailer.
Voilà bien une semaine qui aura tout l’air d’un joyeux melting-pot explorant la pop-music sous la moindre de ses coutures. Si vous avez eu la flemme de lancer la vidéo ci-dessus, sachez que ça va de Fela Kuti à PJ Harvey, de Sébastien Tellier à la scène hardcore de Washington DC, de Laibach à The Internet en passant par le zamrock, Felix Kubin, Billie Holiday ou la toute-puissance 80s de MTV. Ça fait du monde, tout un monde, presque, dans ce festival véritablement audiovisuel.
Et au coeur de cette profusion de documentaires, de figures et de sujets passionnants, où même un Louis XVI ne saurait plus où donner de la tête, Nova Bordeaux a choisi de mettre le focus sur celle que vous pouvez voir, banjo en main, sur toutes les affiches orangées de ce Musical Écran #6 : tagada, tagada, c’est Karen Dalton.
Morte du sida en 1993, quasi oubliée de tou.te.s, Karen Dalton est de ces chanteuses folk 60s et 70s que la postérité a longtemps laissé à quai – les Linda Perhacs, Judee Sill, Buffy Sainte-Marie ou Vashti Bunyan. Égérie du Greenwich Village dès 1960, elle fut l’une des rencontres décisives d’un Bob Dylan, qui en fut tout chamboulé. « Je l’ai vue pour la première fois à Greenwich Village, elle interprétait »Blues on the Ceiling » avec tellement d’inspiration que si elle m’avait dit qu’elle l’avait écrite elle-même, je l’aurais crue. Sa voix était si unique. Pour la décrire, il faudrait être un poète. Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle se démerdait sacrément bien pour chanter du blues. »
Un talent qui ne trouvera jamais son plein épanouissement public. À son aise ni en studio ni sous les spotlights de la scène, elle s’exilera vite sur les hauteurs du Colorado, dans une cabane spartiate. Seuls deux albums sortiront, It’s So Hard to Tell Who’s Going to Love You the Best en 1969 et In My Own Time en 1971 ; deux albums majoritairement composés de reprises, des morceaux qu’elle fait siens au gré de voix triste, fascinante, spectrale. Deux disques seulement avant le silence radio, l’effacement choisi, la bataille contre les addictions (à commencer par l’héroïne).
C’est à cette personnalité éminemment secrète (et culte, aussi bien pour Nick Cave que pour Catpower, Lenny Kaye ou Devendra Banhart) que s’attaque la réalisatrice suissesse Emmanuelle Antille dans son film A Bright Light. Les images d’archives, rares, sont là, mais davantage encore, le film, partant à la recherche de témoignages, se fait objet artistique à part entière : un road-movie initiatique remontant, à contre-courant, à contrejour, les méandres de la création artistique, du pourquoi-créer.
C’est à cette rencontre filmique et oblique avec Karen Dalton que Nova Bordeaux vous offre des tickets. Hop, on retrouve les bonnes habitudes, à savoir : renseigner le formulaire ci-dessous avec le mot de passe Nova Aime.
Festival Musical Écran #6, du dimanche 6 au dimanche 13 septembre @ Cinéma Utopia (Bordeaux).