Ça fait onze ans que ça dure, à la Manufacture bordelaise et aux alentours – Lormont, Pessac, Bruges, Blanquefort. Et ce n’est pas près de s’arrêter ; on s’en réjouit. Avec le Festival Pouce !, ce ne sont pas seulement deux doigts coupe-faim de spectacles vivants qui arriveront, clac-clac (n’est pas Philippe ?), jusqu’à vous. Bien davantage, c’est une pleine poignée de pièces qui entreprendront de rassasier ou, mieux encore, d’attiser votre curiosité, votre imagination, votre intelligence, votre envie de bouger, de penser, d’esquisser des espaces-temps fraternels, féériques, fantastiques – pour les petit.es, pour les grand.es. De qui se moque-t-on ? Certainement pas de vous.
Du 1er au 11 février, ce rendez-vous de la danse jeune public proposera, comme à sa louable habitude, une programmation défricheuse, dénicheuse, espiègle. Avec – avant, après, autour des spectacles – une jolie phalange de rencontres, d’ateliers, de parcours de découvertes pour, à votre tour, agiter vos neurones et vos nageoires en synchronisation avec les artistes.
Parmi la flopée de propositions (dont vous pouvez voir l’essentiel ici), mettons-en deux en exergue, sous le signe sigillaire des Nova Aime. Direction le skatepark, théâtre des imaginaires pour les adolescent.es d’Oli Park, pièce écrite par Gilles Baron, Adrien Cornaggia et les interprètes. On le sait, tel Larry Clark ou les cinéastes du néoréalisme italien, Baron aime travailler avec des comédien.nes inexpérimenté.es, des amateur.ices, chez qui il apprécie la spontanéité, la modestie, la vérité parfois tâtonnante.
Après les gamin.es de Mauvais Sucre en 2015 et les seniors de Senex…Zoé l’année suivante, place à Elliott, Hugo, Lorca, Maena, Marius, Pablo, Nils, Rachel et Valentin, les neuf protagonistes de ce spectacle, teenagers monté.es sur planches et roulettes qui révèlent un peu de leur micro-société, de leur échappatoire à la férule familiale, leur sas d’émancipation vers le devenir-adulte. Le tout sur une musique paraphée par le Bordelais Vincent Jouffroy, alias I Am Stramgram.
Même lieu mais autre décor et autre propos, la semaine suivante, avec (La Bande à) Laura, de Gaëlle Bourges. Un spectacle qui casse codes et pinceaux pour mieux contrecarrer l’admis, l’intégré, le même plus discuté – et pourtant très discutable, à la revoyure. Recourant à maints références à l’histoire de l’art, et tout particulièrement à l’Olympia de Manet (voir la photo ci-dessous), les quatre actrices de cette bande s’attachent à redonner des noms, des vies, du contexte, à des silhouettes (im)mortellement figées.
Notamment à la servante au bras chargée de fleurs : Laure, la Laur(a) du titre, modèle méconnue qui a dû attendre les recherches de Denise Murrell, curatrice de l’exposition Le Modèle Noir, de Géricault à Matisse, pour sortir de l’anonymat (en 2014, il était temps !). Prolongeant cette remise en lumière, lui donnant de surcroit des épaisseurs sociales, raciales, symboliques, (La Bande à) Laura sonde les habitudes, fussent-elles inconscientes, et s’interroge également d’une disparition, celle des modèles féminins dans la peinture occidentale.
Poétique, intelligent, instructif, voilà une heure scénique qui ne fait pas de la figuration. Elle devrait en subjuguer plus d’un.e. Et les autres, que le diable les patafiole !
Et pour tenter d’empoigner quelques places pour ces deux spectacles, elles s’obtiennent ci-dessous, offertes via Nova Aime, qu’importe les rubis sur l’ongle.
- Oli Park, le vendredi 4 février à 19h @ La Manufacture CDCN (Bordeaux).
- (La Bande à) Laura, le jeudi 10 février à 19h @ La Manufacture CDCN (Bordeaux).