Avoir la fibre artistique, c’est une chose, mais pour permettre la naissance du déclic originel, de la fulgurance décisive, pour favoriser son plein épanouissement, il est bon de créer des conditions propices. De se mettre à hauteur, de tutorer, de tutoyer, de côtoyer les créations. De s’en imprégner, tout ouvert aux délices, mémorables et contrastées, de la liberté d’impression. C’est à la poursuite de ce généreux et initiatique objectif, tel un crédo gravé sur le front argileux d’un golem, que le festival Pouce! célèbre sa douzième édition. De quoi s’aménager une place plus identifiable encore dans les calendriers culturels locaux – on vous avait d’ailleurs évoqué, ici, là ou encore de ce côté-ci, quelques unes de ses récentes éditions passées.
À ce sujet, une petite précision : la mention « Bordeaux, etc. » du titre est ici très, voire trop, réductrice ; il convient de citer les communes girondines de Saint-Médard-en-Jalles, Floirac, Lormont, Bruges et Ambarès-et-Lagrave, celles charentaises-maritimes de La Rochelle, Aytré, La Couarde et du Château-d’Oléron, afin d’avoir un aperçu plus exact du caractère décentralisé et voyageur de ce festival consacré à la danse, la danse pour les jeunes publics, les bouts de chou, les enfants, ados et pré-ados.
Sous son étendard polysémique (ce mot qui peut être celui du doigt opposable permettant de prendre en main les choses, celui, levé, indiquant l’appréciation et la validation, ou encore l’interjection signalant la suspension du temps ludique), Pouce! déploie une dizaine de spectacles, faits de mythologies indiennes (Je suis tous les dieux) et de métempsycoses primordiales (Grrrrr), de divagations autour de gestes anodins mais hautement symboliques (Et de se tenir la main) et de renversantes incarnations des oeuvres de Ravel (Boléro), de mises en abyme façon making-of (Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver) et de voyages immobiles dans une salle d’embarquement plastique et multicolore (Moi, ma chambre, ma rue), de créations d’univers ouvragés à la fois naïfs et poétiques, fragiles et invincibles (Mouche ou le songe d’une dentelle).
Plaçons un zoom (sans que ce soit une affaire de morale ; on n’est pas au cinéma, c’est juste une image) sur Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver, la pièce de Sylvain Riéjou qui était prévue à la programmation de 2022 mais qui a été reportée à cette année. Un seul-en-scène à la Manufacture CDCN où coïncide auteur et protagoniste, jeu et commentaire, marques et remarques, spectacle et élaboration du spectacle. La mécanique scénique de la recherche pré-scénique s’affiche ventre ouvert, avec de la malice et de la facétie, de la danse évidemment mais sans occulter son fatras de tripes nouées, de connexions neuronales sous tension et d’huile de coude qui s’achemine par bidons de cinq litres.
On voit l’humain, l’artiste, le mécano triturer, cogiter, avancer à pas comptés sur ce pont-de-singe jeté entre le je qui pense et le je qui sera, tentant de maîtriser, d’éclaircir, sans sombrer, les cartes de ce périple, essentiel mais pas simple, en territoire inconnu. De fait, pendant cette heure, ce seront les dilemmes, les fausses pistes, les entêtements, les brouillons raturés qui auront la part du lion, démystifiant un tantinet l’acte créatif – « Le génie, c’est 1% d’inspiration, 99% de transpiration » estimait l’ingénieur et inventeur Thomas Edison (dont on espère qu’il n’oubliait pas, de fait, de se talquer les aisselles au préalable). Mais sans occulter non plus ses joies, ses trouvailles, ses étincelles, quand du travail et de la pensée surgissent des solutions insoupçonnées, hors du cadre attendu.
Nova Bordeaux vous offre des places pour cette représentation de Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver, proposition méta-scénique de ce Festival Pouce!. Les tickets d’invitation s’obtiennent juste ci-dessous, avec le mot de passe Nova Aime.