À peine la frangipane des galettes épiphaniques a-t-elle été digérée que les crêpes de la Chandeleur s’apprêtent à sauter des poêles. Ce calendrier est décidément sans relâche. Mais il sait aussi réserver, sur un pan plus culturel, d’autres virevoltes, d’autres mouvements emballants : ceux que vous réservent les spectacles du Festival Pouce !, le rendez-vous chorégraphique pour les jeunes publics qui revient dans la métropole bordelaise (et dans quelques autres lieux) pour une treizième édition aux airs d’allègre porte-chance.
Pas besoin de fer à cheval ou de trèfle quadrifolié pour avoir la baraka, en l’occurence, simplement de cette petite pointe de curiosité qui vous aiguillonnera, vous titillera à l’idée de découvrir l’éventail de ces huit spectacles, huit compostages de billets pour des voyages immobiles se faisant fort d’« imaginer des mondes fantastiques », d’« inventer des drôles de monstres, presque absurdes », de vous « embarquer dans des aventures fabuleuses » comme de « prendre le temps de rêver, de goûter autrement à la vitalité du monde », entre autres mirifiques promesses déployées par les brochures explicatives et les papillons d’annonces.
Parmi ceux-là, parmi ces « P.I.E.D.#format de poche », ces « Hi-Fu-Mi » et ces « Valse avec Wrondistilblegretralborilatausgavesosnoselchessou » (ouf !), on peut s’attarder, à titre d’exemple, sur la pièce « Temps de Baleine », seul en scène « météodansé » écrit et interprété par Jonas Chéreau. Passons sur le fait que s’appeler Jonas et évoquer les cétacés dès l’intitulé de son spectacle, c’est déjà tout un poème, pour parler plus avant sur cette déclinaison pour jeunes publics de « Baleine », sa précédente création, et ce concept : la « météodanse », qu’est-ce donc ?
Derrière ce néologisme qui fait penser, évidemment, aux danses de la pluie amérindiennes, on retrouve le ciel gouvernant les tribulations de Jonas Chéreau ou plutôt du personnage qu’il interprète, baromètre humain solitaire évoluant sur un grand plateau presque vide, où il déambule, amusé et ambigu, reliant ressentis du dedans et météo du dehors. Jouant sur les insaisissables suggestions de lumière, de températures, de souffles des météos, il passe son temps à jongler de considérations généralistes – ce « temps qu’il fait » dont on s’enquiert dans les bulletins télé ou en zyeutant par la fenêtre – à des domaines plus spécialisés.
La météo marine par exemple, si précieuse aux marins et aux pêcheurs. Mais aussi aux baleines, étonnante monture sur le dos de laquelle notre cicérone unique, moins puissance tempestaire qu’observateur dont le corps-interface somatise les troubles du climat, se juche pour conduire ses spectateur.rices dans une poignée d’aventures scéniques burlesques, poétiques, pointues parfois.
Au-delà même de ce point où le lexique met dico à terre, ce « Temps de Baleine » tourne et étonne autour – vous l’aurez compris – du climat, de ce sempiternel climat dont les changements – fragments de l’anthropocène ou du capitalocène, selon votre point de vue – affectent indéfectiblement le présent le plus concret et l’avenir le plus immédiat, à l’heure où ça semble définitivement râpé pour tenir les engagements des Accords de Paris et où on prépare en haut lieu une France de l’an 2100 à +4°C par rapport à l’ère pré-industrielle.
Nova Bordeaux vous offre des places pour ce « Temps de Baleine », qui sera joué le mercredi 31 janvier au Bois Fleuri de Lormont. Ces tickets se dégottent sur le formulaire ci-dessous, avec le mot de passe Nova Aime.
Festival Pouce! #13, du mardi 30 janvier au samedi 10 février @ Manufacture CDCN (Bordeaux), etc.