Pour qui voudrait rompre avec le rythme du monde, avec ce marasme dans lequel nul bip, nulle lumière ne semble pouvoir clignoter, le Festival Pouce! vient mettre le doigt sur quelques motifs sympathiques – de ceux qui se rêvent et se révèlent qu’à celleux qui s’y présentent le coeur ouvert.
L’ambition, affichée, revendiquée, par la quatorzième édition de ce rendez-vous néo-aquitain : « nourrir les imaginaires de chacun.e à travers la danse » et « échanger sur les questions de la vie de manière sensible ». De la fantaisie et du mouvement, des univers qui s’ouvrent comme des applications, des pistes à jouer et des jeux à pister, des idées vives et des points d’interrogations aux ondulations serpentines, pour tous les enfants, les petit.e.s et les grand.e.s.
De la sortie du berceau au seuil du grabat, où que vous en soyez de votre pelote par rapport aux ciseaux d’Atropos, Pouce! vous ouvre les bras. En un claquement de doigts, fendons-nous d’un bref inventaire, déployé en éventail, de sa programmation – tantôt à Bordeaux, tantôt à La Rochelle, Blanquefort, Floirac, Le Château-d’Oléron ou encore Saint-André-de-Cubzac.
Pendant dix jours, venez vous mêler à la danse, au gré de spectacles tour à tour facétieux et francs du collier : des Rites de passages ballon au pied, des études loufoques sur la gravité en Trois poids, trois mesures, un conte à hauteur de marmot autour des trois incarnations olympiennes du temps (Aïon, incarnation du temps cyclique), la Part d’Ombre d’un Sofiane Chalal hors-normes, la rencontre des univers hip-hop et classique hors de leurs Coquilles, ou encore le monde en papier – les tigres, les avions, les escaliers et tout le reste, pirouette-cacahuète – d’Imagori, plié, froissé, façonné par la compagnie Chriki’z.
Ou encore les Histoire(s) Décoloniale(s), chapeautées par Betty Tchomanga : une série de seul.e.s en scène faisant oeuvre à la fois didactique et artistique. Le premier, #Folly, présenté par le percussionniste, chanteur et danseur Folly Romain Azaman, fera resurgir les rythmes, les danses et les récits traditionnels du Bénin, du Togo et du Ghana, empreintes de vaudou. Le second, #Emma, incarné par Emma Tricard, donnera dans la leçon d’histoire in situ, une leçon faite pantomime sur les trois siècles et demi de traite transatlantique – quelque part entre les ahurissants Maîtres Fous de Rouch et le West Indies de Med Hondo.
Mais il est aussi un spectacle que nous avons soigneusement omis de parler jusqu’ici, pour mieux lui consacrer, dorénavant, un paragraphe tout entier : ce détour par le continent perdu de Mu, proposé par Marion Muzac. Un détour express (trois-quart d’heure, pas plus) par ce territoire légendaire, censément se trouver dans le Pacifique, qui aura enflammé plus d’une imagination à travers les siècles ; un territoire fantasmatique que la chorégraphe toulousaine, autrice de Sucre du Printemps, Let’s Folk, ou encore Ladies First, peuple de nappes synthétiques jouées au clavier par Johanna Luz, et de fabuleuses créatures totémiques, sortes de yétis bleutés, figés, rapiécés de tissus et frangés d’un plastique faisant écho au Septième Continent, le vrai, le tragique, celui-là.
Au milieu de ces notes et de ces présences, la danseuse Aimée-Rose Rich visite cette projection submarine et questionne, au gré de sa pérégrination chorégraphiée, les rapports entre les mythes et l’industrie, entre le rêve et la compétition – cette énergie vitale et ambivalente qu’on retrouve, notamment et pas seulement, dans le sport, les superhéros ou les jeux vidéo.
Nova Bordeaux vous offre des places pour ce spectacle, MU, qui sera joué le mercredi 12 février aux Colonnes blanquefortaines. Elles se dégotent juste ci-dessous, avec le mot de passe Nova Aime.
Festival Pouce! #14, du mercredi 5 au samedi 15 février @ Bordeaux, La Rochelle, Blanquefort, etc.