En juin, c’était bien. En juillet, c’était parfait. Et en août, y a-t-il l’ombre d’un doute ? Si vous pensez que c’est le cas, dissipons-le illico ; il aura de l’allure, le coup de collier donné avant l’émission des relevés de notes, du bulletin ponctuant le trimestre de concerts que nous a offert le Festival Relâche.
Ça commencera dès le mercredi 3 août, avec la venue de trois musiciens colombiens passés par les ondes de Nova (à l’occasion de leur premier album, chez ZZK) comme dans l’une de nos Nuits Zébrées (c’était en 2019 à Nantes) : Edgardo « Guajiro » Garces, Juan Carlos « Chongo » Puello et Andres « DocKey » Mercado, c’est-à-dire les musiciens de Ghetto Kumbé. Un trio, féru d’afro-futurisme, de lâcher-prise carnavalesque (le kumbé) et de déviances électroniques, qui acoquine house caribéenne, rumba digitale, rituels ancestraux et polyrythmies percussives dans une transe afro-latine et psyché ; une fête farouche et emmêlée comme les dreadlocks fluorescentes de ce combo de Bogota, habile à secouer la foule des danseur.ses comme les étiquettes stylistiques. Le tout, tambour battant.
Le vendredi 5 août, c’est de l’archipel du Soleil Levant qu’arrivera une autre belle sensation. Guitares, flûtes et xylophones en bambou, percussions millénaires, esprit aventureux : tels sont quelques-uns des traits saillants grâce auxquels vous pourrez reconnaître et apprécier les Japonais.es d’Ajate. Vous ne les connaissez pas ? Allez donc écouter leur interview, faite il y a quelque temps déjà, par nos collègues de Nova Lyon. Vous y découvrirez cet étonnant groupe de dix musicien.nes, 100% amateur, situé dans un espace-temps à part, fusionnant l’ohayashi (la musique traditionnelle des fêtes nipponnes) du XVIIe siècle, l’afrobeat nigérian des 70s et l’audace savamment syncrétique d’un Can. Lagos y devient un quartier de Tokyo, elle-même catapultée à Lagos, dans une infinie mise en abyme. Simple ? Pas vraiment. Mais funky, assurément.
Un doigt de soul (Terrie Odabi, Natalie Bergman), quelques croches country (Lowland Brothers), des balancements tropicalia (The Garifuna Collective) : les soirées qui suivront ne manqueront ni d’éclectisme ni d’agrément, au hasard des visites. Avant que Relâche ne vrille garage-rock, sans casse moteur dans la moiteur, grâce à l’un des évènements majeurs de cet été bordelais : la soirée Blast by Sud-Ouest organisé sous la houlette de U-Turn, le tourneur qui gère les concerts des Osees, Kelley Stoltz, Ausmuteants, UV Race ou King Khan. Ainsi que ceux des invités de cette soirée : Frankie & The Witch Fingers, Chocolat Billy, Meatbodies et Ty Segall & Freedom Band. On vous laisse jeter un coup d’oeil au très chouette visuel conçu par Freak City, et on les évoque juste après.
C’est d’abord Frankie & The Witch Fingers qui étrenneront l’affaire, aiguilles et potards dans l’éclate écarlate, avec leur garage-psyché frénétique, crash-test de fuzz et de kraut, d’Oh Sees et de Nuggets. Avant que la sémillante troupe locale Chocolat Billy ne surgisse pour réjouir les coeurs grâce à leur palanquée de « solutions dansables » et secouées, toutes indiquées pour mettre (c’est le titre de leur dernier LP) Le Feu au Lac, d’une manière heureusement plus allègre et imagée que les flambées dévastatrices de ces dernières semaines.
Ensuite, retour aux US, devant derrière Californie (un hasard ? Sans doute pas), dans la maison In The Red Recordings où les garageux sont légion. Ça se croise, ça tchatche, ça joue dans les groupes les uns des autres, les Wand, Fuzz, GØGGS, etc. Mais aussi Meatbodies et Ty Segall & Freedom Band. Drivés par Chad Ubovitch, qui fut en de nombreuses occasions le bassiste de Ty Segall, les Meatbodies poursuivent depuis presqu’une décennie, sans jamais se viander, un joli bout de chemin qui sent bon la châtaigne et l’orage – le versant le plus âpre, rugueux, heavy du psyché. Et leur dernier opus a beau s’appeler 333, les bestiaux n’ont pas pour habitude de faire les choses à moitié.
Idem pour Ty Segall, la figure de proue de toute cette petite bande. Quinze ans que le natif de Laguna Beach étale ses talents de songwriter, de multi-instrumentiste, de héros rock’n’roll sur une quantité affolante d’albums – le dernier en date, Hello, Hi, ne datant que d’il y a quelques jours, de la part de cet electric warrior rodé à combiner garage, glam, space-rock, aquilons post-beatlesien et déluges de tridents plombés. Disons-le : un rendez-vous avec le camarade Segall (qui plus est, nanti de tout nouveaux morceaux) éradique tout éventualité de recours à la gent lagomorphe. Sans compter que ce sera aussi l’occasion de vérifier sur pièce, pour celleux dont l’oeil d’aigle est bien aiguisé, si le code postal de Bordeaux tatoué sur son majeur n’a pas perdu de son éclat.
Et enfin, le mercredi 31 août, toujours au Square Dom Bedos, la soirée de clôture ! Une grande et belle soirée de clôture, un bouquet final en trois temps, un feu d’artifice rallumant les lettres R, O, C, K dans le ciel. Avec, sur le podium, le shoegaze Label Rouge (Bordeaux) de Cosmopaark, la promptitude des prises pop branchées par les Espagnoles de Melenas et les accroches blues-psyché de Night Beats, le groupe texan, découvert chez Trouble in Mind, attaché aux basques de Danny « Lee Blackwell » Rajan Billingsley, amoureux chapeauté de R&B (Sam Cooke) et de classic rock (Hendrix, Cobain) de retour sur Bordeaux, huit ans après son dernier passage.
Prêt.es pour ce bouquet final, avant la rentrée ?
Festival Relâche #13, depuis le 29 mai et tout l’été @ Bordeaux. Plus d’informations sur relache.fr.