Nom d’un calendrier et d’un thermomètre, l’été s’approche, à grands pas solaires. Les cheveux collent au tempes, les ventilos sortent des placards, les mailles textiles se font plus légères. Corollaire sonnant d’évidence pour tout.e Bordelais.e au fait des us et coutumes de sa localité, c’est aussi le cas du Festival Relâche.
Quatorzième levée de la belle saison de concerts mise sur pied par l’association Allez les Filles, sortant de sa Maison à Réaction pour prendre l’air, toujours dans l’intra-muros, et proposer une liste de rendez-vous rock’n’roll, soul et psyché, garage et hip-hop, noisy ou cumbia avec des groupes britanniques, américains, brésiliens, jamaïcains, costaricains, mexicains, canadiens, béninois, burkinabé, français aussi, évidemment ; une liste longue comme ça.
Un inventaire à l’intérieur duquel on va prélever, pas tout à fait au hasard, quelques-unes des soirées les plus saillantes. Celle, par exemple, placée en ouverture ou presque de cette saison, le vendredi 2 juin, où la folk à cordes de nylon dialoguera avec le jazz façon Nouvelle-Orléans, avant que les décibels garage-rock n’emportent tout. Ce sera dans les jardins de la Cité du Vin où, un verre à la main, les gracilités mélodiques et les chansons byrdsiennes du Pompéjacais Handy Curse (accompagné de ses complices de Jach Ernest) dérouleront un soyeux tapis au brass band Crawfish Wallet, qui mettra Bordeaux à portée de bayou.
Et pour le finish garage, me direz-vous ? Qui pour l’éclate, pour pousser les amplis dans l’écarlate ? Les pétroleurs de spectre sonore viendront du Costa Rica, d’Angleterre, avec le quintette Las Robertas et les Dustaphonics, ce projet surf-R’n’B londonien qui a son pied à terre dans le Sud-Ouest et qui s’est formé – histoire de planter le décor – à l’instigation, à l’invitation de Tura Satana, alias Varla dans le Faster Pussycat Kill Kill de Russ Meyer.
Après la langue de Cervantès, celle de Lispector – pas l’indie-popeuse bordelaise, mais l’écrivaine brésilienne, Clarice de son prénom. Car l’évènement le 16 juin, ce sera la venue d’Os Mutantes, vétérans du mouvement tropicaliste dont ils furent l’une des incarnations majeures, au même titre que des Caetano Veloso, des Gilberto Gil ou des Gal Costa. Si leur première chanteuse, Rita Lee, nous a fait faux-bond le mois dernier pour voisiner avec les étoiles et les ovnis, les Mutants de Sao Paulo font de la résistance et continuent de mordre avec une allégresse terrible dans le folk et le psych-rock, fusionnant les saturations fuzz et les chaloupements samba. Admiré par Kurt Cobain, Beck ou David Byrne (qui les avait réédité sur son label Luaka Bop), le groupe paulista reconstitué depuis 2006 avec le chanteur-guitariste Sergio Diaz en survivant du line-up originel, entreprendra de faire du Square Dom Bedos leur jardin électrique.
Le carré vert de Dom Bedos, c’est là où Relâche installera sa scène pour la sempiternelle Fête de la Musique, qui sera la solsticiale occasion de voir ferrailler, gratis, un beau quarteron de local heroes – Jach Ernest, cité plus haut, l’excellent TH da Freak, Blackbird Hill et Bilbao Kung-Fu – avec les Canadiens typés 70s de The Damn Truth.
Un remarquable tour de chauffe avant début juillet, les mardi 4 et mercredi 5 juillet, dates auxquelles, juste avant le passage cliquetant du Tour sur les Quais, c’est un autre peloton international qui tirera tous azimuts dans la capitale girondine. Au Parc des Sports, quartier Saint-Michel, c’est d’abord une soirée tricontinentale qui vous attend, avec de la psyché-pop made in USA, celle de Breanna Barbara qui devrait ravir les fanas de La Femme période Psycho Tropical Berlin, mais aussi de la cumbia, assaisonnée par les musiciens colombiens et vénézuéliens de Candeleros, et enfin le collectif Bénin International Musical, bouillonnant clan des sept emballant – BIM, bam, boum – les rythmes vodoun d’un groove dément, d’arrangements hip-hop, jazz ou blues.
Et le lendemain, même lieu, mêmes heures, les garage-rockeurs auront droit à leur content de guitares, griffées par les Highmarts, girl band japonais aux accointances délicieusement mods et 60s, puis par les Américains des Darts et les Canadiens de Wine Lips. Des Nord-Américains qui feront battre fièrement leurs pavillons étoilés et unifoliés la semaine suivante, avec pour amorce le supergroupe montréalais Pypy, soit une polymultipliée Duchess Says x CPC Gangbangs x Red Mass, pour vous dire le caractère pimenté et frénétique de leur produit disco-punk, façon Dolpic sonore.
Déjà un feu d’artifice qui en jette, même ce sera loin de marquer le bouquet final ; bien au contraire, ce ne sera que le début de la salve, car ensuite ce sont deux sociétaires du label In the Red, l’impétueux Dylan « Frankie » Sizemore & The Witch Fingers et le psychédélisme imposant de Meatbodies, qui viendront s’en mêler, faisant feu de tout bois et de tout instrument. Meatbodies et Frankie & TWF une nouvelle fois associés en terres girondines, complices et connectés tels des Gourcuff et Chamakh de la grande époque ; ce sera cette fois-ci en vedettes, un an après avoir escorté, ici-même, leur collègue californien Ty Segall.
Et puis, cerise sur le gâteau, on s’en voudrait de dédaigner cette information, le retour en ville des immarcescibles Osees. Le gang de John Dwyer mettra la capitale néo-aquitaine sans dessus-dessous. La date de leur descente ravageuse est calée, prévue, annoncée pour le mardi 22 août, soit dans l’immédiate foulée d’un nouvel album, baptisé Intercepted Message – le 27e à tomber dans les bacs des disquaires, selon le décompte de quelques observateurs tatillons. Ce sera surtout celui où les synthés se tailleront une part léonine dans les missives garage-psyché du groupe de Los Angeles, toujours autant tiraillé – fiers alter-egos ricains de King Gizzard – entre Klaus Dinger, les 13th Floor Elevators et les vieux films SF encodées sur VHS.
Bref, à Bordeaux, l’été sera placé, cette année encore, sous le signe de la détente, oui, mais surtout sous le signe de Relâche.
Festival Relâche #14, jusqu’au 31 août @ Bordeaux. Plus d’informations sur le site de Relâche.