Vous vous souvenez de l’édition 2020 de Sidéral ? Non ? Pas d’inquiétude, aucun homme en noir n’est venu effacer vos souvenirs d’un coup de flash inopportun ; c’est tout simplement qu’il n’a jamais eu lieu. Il a fallu attendre, se languir, ronger son frein, emprunter celui du voisin, avant de revoir le très estimable Psych Fest de L’Astrodøme et Musique d’Apéritif annoncer, avancer, installer cette fameuse troisième édition, enfin débarrassée de ses oripeaux d’Arlésienne.
La programmation a, pour l’essentiel, été préservée de toute défection en morne plaine. On y retrouvera donc, comme de juste, la plupart des artistes prévu.es à l’origine : Camera, Giöbia, Guadal Tejaz, Mars Red Sky, Iceage, Vox Low, La Mverte. Et si quelques-un.es d’entre n’ont pu renouveler leur billet pour le décollage, l’aréopage peut se flatter d’accueillir deux nouveaux passagers qui seront autant de camarades de jeu : Last Train et Dewolff.
Détaillons le programme, au jour par jour. D’abord le jeudi soir. Aux Vivres de l’Art, une diagonale sera tracée entre la Bretagne et la Lombardie, via l'(astro)Port de la Lune. Ce sont d’abord les rennais de Guadal Tejaz qui vous mitonneront un chili con carnage au krautrock et aux bons émincés de punk, supplément peyotl – meilleur que les svintouses à la crème du vaisseau Libérator. (Et si vous ne saisissez pas l’allusion, c’est que vous n’avez pas assez regardé Canal à la fin des années 80 car, oui, c’est une ref de vieux.)
Cette pitance avalée, place à Giöbia, quatuor acid-rock milanais jouant une musique prog et planante, multipliant sur leurs nappes de synthé et de papier hallu les références 70s, de Tangerine Dream à Hawkwind, du Gong au Floyd. Et puis, en tapant sur la barre hyperespace, c’est le desert-rock fusionnant Mojaves et dune du Pyla, les riffs stoner denses à souhait de Mars Red Sky, l’emblématique combo de Julien Pras et tutti quanti, qui mettront Bordeaux au rouge. Niveau alcool, c’est une tradition, musicalement, ce sera donc fait ; quant à la politique, on avisera plus tard …
Suite à quoi, un, deux, trois, hypervitesse, nous serons vendredi. Où nous rallierons le Grand Parc pour griller quelques péages sur l’autobahn déroulée par une escouade de fils du bitume. Tous les radars seront allumés, pour capter le passage de Camera, trio concentré, focus, sur son objectif : insuffler un carburant obsédant, frénétique, dans la cylindrée V16 de leur rock à tête de Neu!, validé par l’excellent label Bureau B.
Coup de froid sur la bretelle suivante, à la frontière danoise, lorsqu’Iceage convaincra jusqu’à la Petite Sirène d’enfiler un blouson de circonstance, plus adapté au climat glacé du soir, des bourrasques post-punk et coldwave qui font plus qu’agiter les manchettes.
Et, déboulant rectiligne sur ce sentier ainsi verglacé, les deux fois deux séides de Vox Low, sociétaires de Born Bad où ils ont pressé leur (pour l’instant) unique album, qu’on aime toujours autant mettre sur la platine quand on a envie d’imaginer Éliphas Lévi basse Squier en bandoulière, ou bien Can remixé par Andrew Weatherall dans un 33 tonnes frigorifique conduit par un chauffeur junk à toutes les lettres de l’alphabet.
Enfin, samedi, on rebranche les grattes et on fait tourner les centrales, les actuelles, les vétustes, les pas-encore-construites, avec du garage-pop, du post-rock et du psyché surclassé en première. La responsabilité de brûler l’amorce sera confiée à Melenas, les meufs de Pampelune, qui n’hésitent pas à reprendre Grauzone entre deux gerbes d’étincelles fuzz et trois reflets de reverb. Après quoi, les oreilles mises au parfum, suivront Last Train, les rockers alsaciens installés à Lyon qui viennent de sortir un single de dix-huit minutes (« How Did You Get There ? ») avant de subjuguer l’Olympia, ainsi que les Hollandais de Dewolff, à ne pas louper – vous l’avez ?
Et celleux qui voudraient jouer les prolongations sur le sol-de-danse auront même de quoi étancher leur soif, grâce à un final nocturne du côté de l’IBoat. Une coda prolongée jusqu’aux aurores, avec La Mverte en live, accompagné par les collectifs organisateurs – L’Astrodøme et Musique d’Apéritif – officiant derrière les Technics.
Et, coulis de caramel sur le parfait à la vanille, la Radio Nova vous composte le billet vers cette myriade de constellations psyché, avec le coup de tampon dûment certifié du Nova Aime.
Festival Sidéral #3, du jeudi 5 au samedi 7 mai @ Salle du Grand Parc, Vivres de l’Art (Bordeaux).