De concerts mythiques en moments fabuleux.
Cette année encore, Fiest’A Sète s’installe du 1er au 7 août au Théâtre de la mer, s’offre à la brise méditerranéenne et accueille les mouettes…
Fiest’A Sète, c’est peut-être le moment de la vie d’un journaliste où l’on se dit qu’on peut écrire le mot écrin sans rougir. Le Théâtre de la mer, amphithéâtre à ciel ouvert et à flanc de corniche, est non seulement l’un des plus beaux cadres de festival au monde, mais il sublime aussi les performances des musiciens.
D’autant plus qu’ils se rencontrent sur scène. Cette année Roy Ayers croisera le chant avec Seun Kuti. Fatoumata Diawara et Hindi Zahra rencontreront Oumou Sangaré…bref la programmation est belle, le lieu vous appelle, ainsi que José Bel, fondateur et président du festival, et Clément Yzerman, qui aime à le filmer.
José Bel, fondateur, président du festival
Qu’est-ce qui vous rend particulièrement curieux dans la programmation de cette année ?
La programmation est vraiment enthousiasmante. Il y a des artistes que je voulais depuis des années, comme Roy Ayers ou Baba Zoula. Avoir tous ces artistes dans la même édition, c’est génial. J’ai très envie de voir la rencontre entre Roy Ayers, un des rares américains à avoir joué avec Fela Kuti et le fils de Fela : Seun Kuti. Chacun va intervenir avec son propre groupe mais à la fin ils vont jouer ensemble, ce fameux disque de Fela Kuti avec Roy Ayers, ça ne s’est jamais fait, ce sera exceptionnel
Fela Kuti et Roy Ayers sur l’album où ils sont ensemble : Music of Many Colors
Baba Zoula, c’est un groupe turc d’Istanbul, une ville propre au métissage, c’est très compliqué de définir ce qu’ils font musique : du rock psyché, avec des accents balkaniques et pop. J’ai toujours rêvé de les voir au Théâtre de la mer, parce que la proximité avec la mer, ça donne quelque chose de spécial.
J’attends aussi beaucoup de Joe Bataan, un des mecs qui a été oublié sauf par les gens supers pointus : c’est quand même l’un des créateurs du Boogaloo, ce rapprochement entre musiques noires et latines. Et ce qui est génial c’est qu’il est face à l’Orchestra Baobab, l’un des plus grands groupes sénégalais des années 60-70. Eux aussi ils ont mélangé la musique latine et musique noire en créant une fusion entre leurs racines Africaines et la salsa dans les années 60. C’est donc génial qu’ils se rencontrent, auteurs du même rapprochement sur deux continents. Joe Bataan, c’est son unique date en France, on le fait venir exprès des États-Unis.
On entend beaucoup la salsa dans cet album de 1979 d’Orchestra Baobab.
Vous rappelez-vous d’une galère qui a finalement bien tourné ?
L’année dernière, on avait programmé Natacha Atlas en face de Bachar Mar-Khalifé, et après le passage de Bachar, il pleuvait très fort, on a dû annuler la seconde partie de la soirée, celle de Natacha Atlas.
La beauté de Bachar Mar-Khalifé et la pluie qui a annulé Natacha Atlas
Elle nous a énormément surpris, parce que, voyant qu’il y avait des gens qui, déçus, attendaient à l’abri dans le hall du Théâtre de la mer, elle est descendue de sa loge et a improvisé un mini-concert pour eux avec quelques membres de son groupe et en acoustique, c’était fabuleux. Tout le monde était serré comme des sardines tout près d’elle. Elle a été d’une générosité extraordinaire, ça a duré 30-35 minutes. C’était un grand moment très intense.
Sur le festival, on est bénévole, du coup notre gratification c’est d’assister au concert, du coup ce sont de grands moments de frustrations quand on annule, et là c’est devenu merveilleux.
Du coup on lui a proposé de revenir cette année. En face, on a programmé le grand oudiste Dhafer Youssef, que j’ai rencontré grâce à RKK. À chaque fois je me disais, que l’intensité esthétique de sa musique serait démultiplié dans le théâtre de la mer. On va enfin voir ça.
Bachar Mar-Khalife, Natacha Atlas, Dhafer Youssef, sont tous les trois des artistes qui vont chercher dans leurs racines orientales et dans la musique occidentale et qui ont tous les trois en commun, je pense, une fibre mystique, ce qui donne des musiques très fortes, très puissantes, parfaite pour le Théâtre de la mer.
Est-ce que vous avez une image très forte qui vous reste ?
Oui, une image extraordinaire. C’était pendant un concert de Flamenco, celui de Duquende, c’est une musique qui s’écoute avec recueillement. Et là, il s’est passé un phénomène assez curieux : cela faisait plusieurs fois qu’on demandait à ce qu’il y ait des projecteurs dans les falaises derrière le théâtre parce qu’on ne voyait pas la mer. Pour la première fois, le projecteur étaient en place. Et là un truc bizarre s’est passé avec les volatiles.
Les oiseaux ont dû confondre avec les projecteurs des pêcheurs qui reviennent au port (et qui donc ramènent des poissons). Des centaines et des centaines d’oiseaux sont venus assister au concert, attendant probablement du poisson.
Au moment du solo du guitariste flamenco, ils se sont tous envolés, ils étaient totalement éclairés, leurs ailes blanches resplendissaient…un moment flamboyant.
Pour le plaisir Mulatu Astatke – Mahmoud Ahmed & Badume’s Band – Fiest’A Sète 2015
Clément Yzerman, vidéaste depuis 2013
Quelle a été votre première expérience de Fiest’A Sète ?
C’était en 2013. Je connaissais un peu Sète, j’avais tourné deux fois au Worldwide. J’ai vu Nile Rodgers, et ça a été une énorme claque. Des claques, j’en prends tous les jours du festival mais celle-ci, c’était la première.
Niles Rodgers en 2013, la claque générale
Et les autres alors ?
Il y en plein. Shusheela Raman sous l’orage, c’était carrément magique. Lucky Peterson qui est au centre de la foule pendant plus de 20 minutes, c’était dingue. Et le concert avec les soeurs Ibeyi et Yael Naïm quelques mois après la mort de RKK (ils étaient très proches), ça a été un moment très fort.
Ibeyi & Yael Naïm, magnifiques au Théâtre de la mer, avec une grosse pensée pour RKK.
Qu’est-ce que tu as découvert grâce à Fiest’A Sète ?
Je connaissais pas beaucoup et vraiment Bachar Mar-Khalifé l’année dernière, ça a été la claque de l’année. L’ambiance du Théâtre de la mer et lui en acoustique avec trois de ses musiciens, ça a vraiment donné une soirée magique. C’est vrai que la pluie en festival, ça complique tout, mais à chaque fois qu’il pleut à Fiest’A Sete, ça donne des choses assez exceptionnelles.
Bon c’est vrai, le cadre est pas mal
Qu’est-ce que tu attends beaucoup dans la programmation de cette année ?
Roy Ayers évidemment mais aussi Roberto Fonseca mais aussi Hindi Zahra et puis Leyla McCalla, j’adore ce qu’elle fait.
Leyla McCalla, New-Yorkaise d’origine haïtienne qui vit à la Nouvelle-Orléans
Qu’est-ce qu’il a de particulier ce festival ?
Je pense qu’il y a très peu de festivals où des gens comme Fred Wesley, le Funkiest Trombone Player Ever, qui sont tellement habitués à la scène et ce depuis tant d’années, ne peuvent pas s’empêcher d’aller saluer le public, juste avant, ou juste après le concert. Ils serrent les mains, font des selfies, ils sont vraiment heureux de venir jouer au Théâtre de la mer.
Entre Fred Wesley et le public, le plaisir était réciproque
Comme chaque année et pour notre plus grand plaisir Radio Nova sera à Fiest’A Sète, sous la forme de Dj’s (Emile Omar & Reza) et de deux émissions animées par Camille Diao et Jean Morel le 4 et 5 aout de 20h à Minuit.
Plus d’infos sur l’édition 2017 ici.
Crédit photo couverture : © Pierre Nocca
Visuels : © DR