Les pré-sélectionnés pour le César du meilleur espoir viennent d’être révélés, et ils en disent long sur le cinéma français.
Dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Nova, tous les mercredis, Baptiste Etchegaray nous livre sa Chronique Film.
L’Académie des César a dévoilé lundi 12 novembre la liste des pré-nommés aux César du Meilleur espoir pour la prochaine cérémonie qui aura lieu en février. Ils sont 34 révélations, 17 filles et 17 garçons.
Fils et filles de… mais pas que
Parmi ces derniers, on remarque la présence de deux des fils de Marie Trintignant : Roman Kolinka (le fils de Richard Kolinka, batteur de Téléphone) et Jules Benchetrit (le fils du réalisateur Samuel Benchetrit). Ça devient carrément vertigineux avec la présence chez les filles de Lily-Rose Depp, la fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis, qui a elle-même eu le César du meilleur espoir y a presque 30 ans. Ça c’est le caractère consanguin assez fascinant du cinéma français.
Paradoxalement, ces « enfants de » sont confrontés à l’autre bout du spectre, à ceux qui ont été repérés par casting sauvage. Notamment Kenza Fortas et Dylan Robert, deux gamins des quartiers nord de Marseille à qui le cinéma est tombé sur la tête un jour dans la rue. Ils étaient tus eux à l’affiche de Shéhérazade, un film qui a marqué la rentrée par son traitement très brut et très cru d’une relation amoureuse entre deux ados à la dérive.
La dureté des relations
Shéhérazade, c’est l’histoire d’un type qui sort de prison et qui s’amourache d’une jeune fille qui fait le trottoir. Il la prend sous son aile, il croit la protéger en devenant petit à petit son mac. Il peine à se rendre compte que 1. c’est illégal et 2. celle dont il est sincèrement amoureux est de fait son objet, sa chose et ça en dit long sur les rapports filles/garçons chez une partie de la jeunesse aujourd’hui. On retrouve d’ailleurs ce thème dans la comédie À genoux les gars.
À genoux les gars, c’est l’histoire d’une fellation forcée dans une cité et d’une vengeance, celle de la victime et de sa soeur. Le violeur n’a absolument pas conscience du caractère gravissime de l’affaire, on est en gros dans un banal défi entre mecs qui font des vidéos. Le film révèle deux jeunes filles qui ont la niaque et qui ont co-écrit le scénario avec leur tchatche : Inas Chanti et Souad Arsane.
Chez les garçons, c’est pas beaucoup mieux, comme on l’a vu dans Sauvage, le film qui a révélé Félix Maritaud, où il est question de prostitution masculine, de la plongée en enfer d’un jeune homme qui n’a que son corps comme moyen de survie et pour qui le sentiment amoureux semble tout simplement interdit.
Voilà comment le cinéma d’auteur français observe sans concession ces jeunes se débattre sur le front de l’amour n même sous le soleil l’été à la plage comme dans Mektoub my love de Kechiche, qui propulse à lui seul quatre nouveaux visages parmi les Révélations de l’année. Un film en apparence lumineux mais où le jeu de l’amour et du sexe entre adolescents est tout aussi cruel et injuste. Ces révélations pour les César offrent le visage d’une jeunesse dont l’innocence est bel et bien un paradis perdu…
Visuel © Ad Vitam / DR