En deux mots, la Free Party c’est la fête libre. Pendant un laps de temps éphémère, l’espace occupé est transformé en village des possibles, ou l’on peut entendre tout genre de musique (souvent électroniques), et faire la fête comme bon nous semble. TOPO, la revue dessinée destinée aux moins de 20 ans, en parle dans son numéro de juillet-août, et c’est très bien.
En 2022, la free party est sérieusement menacée. Les épisodes Lieuron et Redon sont encore frais dans les mémoires, le premier ministre Gérald Darmanin trouve que “fête libre” devrait se prononcer “délinquance” et l’affaire Steve Maia Caniço n’est toujours pas résolue.
La Free Party, c’est un monde qu’Elsa Gambin, autrice de l’article “Jusqu’au bout des raves” connait très bien. Au fil des pages, on découvre des éléments familiers pour toutes personnes coutumières des Free. Soundsystems, tentes, camions, stands de RDR (réduction des risques) de l’asso Techno + et flics.
Mis en image par le dessinateur Pierre Thyss, le reportage prend aussi le temps d’expliquer les genres musicaux qui sont la bande son de ces rassemblements, en croquant les protagonistes de cette scène, ceux d’hier (DJ Stingray, Lee Scratch Perry), comme ceux d’aujourd’hui (Casual Gabberz).
Ludique et fun, le récit ne dicte de pas de conduite à son audience, et explore toutes les pratiques rendues possibles par la fête libre : danser non-stop, rester sobre, consommer, se reposer.
Alors que l’on contacte Elsa Gambin pour parler du cadre d’un reportage sur les pratiques illégales dans des revues adressées à la jeunesse, l’on apprend que les associations de RDR “sont subventionnés par le ministère de la Santé pour protéger les gens lors de fêtes qui sont illégales, réprimées par le ministère de l’Intérieur. Donc, on arrive sur des trucs complètement délirants, c’est-à-dire qu’ils vont parfois se prendre des amendes qui vont être payés au ministère de l’Intérieur avec l’argent du ministère de la Santé.”
Quand on entend ça, on est assez perplexe. L’état finance ainsi à la fois la prévention et la répression, et se colle des amendes qu’il paye lui-même ?
Double jeu
“La loi française est schizophrène” nous dit Fabrice, volontaire de Techno + joint par téléphone. Il nous apprend que l’association Techno + est financée depuis 97 par le ministère de la Santé, que son action est cadrée, légale, pourtant les émissaires du ministère de l’Intérieur ne semblent pas au courant.
Oui, car en 2003, le ministère de l’Intérieur attaque l’association en justice. Un ministre sera appelé à la barre pour la défendre. En 2016, les locaux de l’association sont perquisitionné par des policiers qui paraissent persuadés d’avoir découvert un laboratoire clandestin produisant des stupéfiants.
Plus préoccupant encore, Fabrice nous explique qu’en 2021, les forces de l’ordre auraient demandé aux membres de Techno + de dénoncer les équipes organisatrices de raves, dans le but de mettre en place des poursuites. On sent que les possibilités de fête libre s’amenuisent depuis la pandémie. Elsa Gambin précise “En fait, ça a mis au jour le fait que les teufeurs étaient réprimés depuis longtemps. Les teufeurs et les teufeuses. Mais du coup, ça s’est accentué effectivement avec la pandémie. Où là, du coup, dans l’opinion publique, les médias, c’est devenu impensable de faire la fête. On est quasiment sur un phénomène de délinquance. D’ailleurs, ce sont les mots du ministre de l’Intérieur à l’époque, “ce sont des délinquants.”
Pour conclure, on notera que dans cette histoire qui traite de fête libre, on parle des ministères de la Santé et de l’Intérieur, mais que celui de la Culture manque à l’appel.
Si vous voulez en savoir plus sur le travail de l’association Techno +, le documentaire “Un pied chéper, un pied sur terre” saura vous éclairer.
Sources :
- TOPO (Numéro 36)
- Documentaire Un pied chéper, un pied sur terre
Un texte issu de C’est Bola vie, la chronique hebdomadaire (lundi au vendredi, 8h45) de David Bola dans Un Nova jour se lève.