Une bande dessinée rend hommage à cette figure culte et atypique de la chanson française.
Il est difficile aujourd’hui de comprendre cette célèbre chanteuse française, dont le succès fut immense il y a un siècle ! Un gros album lui rend hommage en bande dessinée : Johann G. Louis consacre 288 pages à cette idole oubliée. Avec un dessin aérien presque fantomatique, il ressuscite cette fille unique, invraisemblable.
Elle fut le modèle absolu de la chanteuse réaliste, frondeuse, culottée, inaliénable et inspirée. Première à graver des disques, dès 1908, elle se plaignait : « On ne reconnaît pas ma voix, ça ne vaut rien ». Déjà insatisfaite, elle découragera tous ses admirateurs et amants, dont son premier manager Roberty, qu’elle refilera à sa copine Damia, autre chanteuse réaliste qu’il lancera avec succès. Puis elle fera craquer Maurice Chevalier, qui la quittera pour Mistinguett.
Après une enfance misérable (sa mère, concierge, ne possédant qu’une loge, se prostituait et elle devait errer dans les rues de Paris, chantant pour quelques sous). Rapidement admirée, elle devient la coqueluche des cafés-concerts, cabarets, mais aussi des troquets et bars.
La Môme Pervenche
Née Marguerite Boulc’h ( 1891-1951), on surnomme d’abord cette jolie brune « La môme Pervenche ». Puis ses chansons tristes pour marins et voyageur lui valent le surnom de Fréhel comme le cap breton.
Elle est reine des faubourgs, mais tout le mode la connaît : la belle Otéro la protège, Colette écrit sur elle, le cinéma la courtise : Sacha Guitry ou Jean Gabin l’adorent, tout le monde s’arrache cette fille inimitable sentimentale et authentique, qui préfère les mauvais garçons…
Plus tard des princesses, des baronnes la gâtent, d’autres princes russes, roumains ou turques, lui offrent richesse et diamants. Elle s’en fout, et continue sa vie d’aventures folles entre absinthe, cocaïne, morphine… Et amants d’occasions.
Disparition
Lassée de tout, elle disparaît vers l’orient en 1910-12 et va, du Caire à Istanbul – Constantinople, mener une bringue à tout casser, avec ses riches admirateurs, soupirants et autres aristos en goguette.
Rapatriée en 1923 par l’ambassade de France, elle est épuisée et n’a rien gardé des diamants, bijoux, fourrures et autres présents somptueux qu’elle a balancé à mesure de la vie d’aventures qu’elle aimait…
Mais Paris la reveut : elle est vivante et son audace est toujours là. Ses aventures et sa réputation la précèdent , et elle chantera encore dans de petits endroits choisis et jusque dans les rues, pour le peuple parisien qu’elle aime et qui le lui rend bien …
Elle finira seule et misérable, comme elle avait commencé, et comme Kiki de Montparnasse, la belle Otéro et d’autres chanteuses et courtisanes, dont style et l’insouciance provocante étaient plus fort que l’instinct de conservation. Une Foule sentimentale et triste se rend à son enterrement en 1951. Même Piaf ne fera pas revivre son époque héroïque d’aristocratie populaire (lisez Francis Carco !)… A côté d’elle, les rappeurs semblent des ados mal affranchis.
Ecoutez « La java bleue » (son tube, ci-dessus) ou « C’est un mâle », la réponse au féminisme bon teint. Trenet, Mano solo, Higelin, Gainsbourg, Renaud , les Garçons Bouchers et bien d’autres l’ont chanté.
Fréhel par Johann G.Louis. Album couleur de 288 pages aux éditions Nada ( avec en postface, bibliographies, films, biographies et textes sur Fréhel ainsi que des historique des personnages d’époques autour d’elle), 29 euros.