Planqué en Auvergne, ce crooner intemporel murmure la démo d’une dystopie silencieuse, où même les radios chuchoteront leurs programmes. ASMR pour tous ?
Le chant des oiseaux, le frémissement du vent dans les arbres. La quiétude des boulevards, de jour comme de nuit. Le ciel dégagé du raffut des avions, et même le voisin du dessus, cet impossible insomniaque amateur d’opéra et de noubas improvisées, qui ferme enfin lui aussi sa grande gueule. Ces plaisirs naturels, des légions de citadins les avaient oubliés, écrabouillés par le tintamarre ordinaire de nos villes surpeuplées. Parmi les rares avantages de ce confinement imposé, la disparition de la pollution sonore fut pour beaucoup un enchantement. Mais comment revenir en arrière, après ça ? Faut-il fuir Babylone, s’isoler tel un ermite au fin fond d’une vallée, d’une crique ?
Certains artistes planchent sur la question, comme le chanteur et musicien parisien Gaspard Royant, 40 ans, sorte de Roy Orbison moderne ayant déployé sa passion du doo-wop, du rock et et de la northern soul sur deux albums rétro-cools, 10 hits wonder (2014) et Have you met Gaspard Royant ? (2016), crooner gominé aux costards élégants qu’on a pu entendre aussi, dans sa veine folk, sur la bande-originale d’Un Conte de Noël d’Arnaud Desplechin.
Planqué dans une vieille bâtisse auvergnate, celui qui rendit jadis un hommage électrique au héros de Retour vers le futur et qui prépare pour 2021 un troisième album dont les thématiques et les sonorités sont précisément tournées vers l’avenir… nous murmure la démo d’une dystopie silencieuse, où tout bruit excessif nous paraîtra horrible. « Nous ne supporterons plus le bruit des voitures, des motos, des fêtes, des magasins… », « Nous n’écouterons quasiment plus de musique, ou alors à très bas niveau », dit-il, en utilisant lui-même les techniques de relaxation auditives de l’ASMR. Après les masques personnalisés, chacun son casque anti-bruit ?
Pour voir et écouter l’artiste au bord d’un cours d’eau chanter un titre inédit sur le monde d’avant et notre capacité à changer, c’est ici.
Visuel © Sans un bruit, de John Krasinski (2018).