1902, à Calcutta. Gauhar Jaan a 29 ans. Elle est chanteuse et danseuse et elle s’apprête à faire quelque chose qu’aucun autre chanteur de son époque ne veut faire. Elle a rendez-vous avec un anglais de la Gramophone Company, qui vient d’importer le gramophone en Inde. Cet outil révolutionnaire qui a été inventé en 1887 et enregistre pour la première fois de la musique sur des disques. L’objet fait fureur en Europe et aux États-Unis. Alors les britanniques se sont fixé comme projet d’en faire un commerce dans les colonies et notamment en Inde.
Ils cherchent alors les premiers artistes qui accepteront d’enregistrer leur voix dans cet appareil encore assez impressionnant, notamment parce qu’il fait un sacré bruit, à mi-chemin entre le craquement de parquet et le frottement du papier de verre.
En Inde, l’opinion générale est qu’il s’agit d’une machine du diable et que quiconque chantera à l’intérieur verra sa voix aspirée pour ne plus jamais la récupérer. Les anglais sont donc assez mal partis. Mais ils vont mettre au point une stratégie qui fera ses preuves : faire appel à celles qui n’ont peur de rien et surtout pas du diable, les courtisanes.
Pour aller plus loin
Indian Women on record, documentaire, 2016
How courtesans paved the way for women in Indian showbiz, Zinnia Ray Chaudhuri sur Scroll
Pioneering Musicians: Women Superstars Of The Early Gramophone Era, Google Arts&Culture
Un podcast écrit, raconté et réalisé par Clémentine Spiler.