Quand l’une des meilleures plumes françaises trempe dans l’encre du cinéma américain à l’ancienne.
Qui se soucie encore des génériques ? La plupart des spectateurs ne restent plus à la fin des films pour les lire. Philippe Garnier doit peut-être encore le faire. Pour débusquer parmi énumérations de noms, ceux qu’on met rarement dans la lumière, chercher entre les lignes ceux qui font vraiment l’histoire du cinéma. Génériques c’est aussi le nom d’une collection de livres à travers lesquels Garnier a entrepris de revenir sur la genèse des dernières grandes heures du cinéma de studio hollywoodien. Avec pour ambition justement de raconter les histoires derrière celles officielles. Trois volumes pour couvrir quasiment quarante ans, de 1940 à 1977 à partir de cas d’études mais surtout en faisant des pas de côté. Génériques, c’est une lecture en creux de ce cinéma américain, qui préfère aller chercher dans les plis que dans sa vitrine. Pour parler d’un film d’Anthony Mann, Garnier ira creuser la piste de son producteur Eddie Small ou prendra appui sur la carrière de Richard Fleischer à la RKO pour mieux parler des méthodes d’Howard Hughes alors patron de ce studio.
On serait donc dans une sorte de making of des films par écrit ?
En tout cas, Génériques n’est pas une collection d’essai analytiques mais fait dans le factuel. De toutes façons, un jour Garnier a lâché dans une interview que « la critique c’est de la branlette ». Mais il croit encore visiblement aux vertus du journalisme d’investigation à l’ancienne. Qu’il s’agisse de films noirs ou de westerns, de classiques ou de perles oubliées, ces trois livres reposent sur une somme exceptionnelle de documents et d’archives. Les mémos, télégrammes voire extraits de correspondances reconstituent avec une phénoménale sensation immersive le processus de création. Mais, plus encore que cette sensation de making-of comme si vous étiez dans les coulisses, il émane de Génériques, celle d’une voix-off accompagnant au plus près, au plus intime les films comme leur écosystème. Au delà d’un côté encyclopédique, l’écriture de Garnier est incroyablement vivante, parlant d’un passé avec le ton du présent. De quoi procurer à ces histoires d’un temps de cinéma révolu le swing de la modernité, pour un travail d’archiviste mais sans la poussière ; une ahurissante collection d’anecdotes sans qu’elles ne virent jamais à l’anecdotique. Encore moins quand ce récit au long cours de l’évolution du cinéma américain de la fin de l’ âge d’or des studios grands ou petits aux premières secousses telluriques du Nouvel Hollywood, tient de l’ivresse de certains alcools vieillis, longs en bouche mais qu’il faut siroter pour mieux laisser remonter les arômes. Autrement dit, Génériques est une sacré bonne cuvée de livres de cinéma.
Génériques. Paru chez The Jokers éditions.