Mos Def aka Yasiin Bey sera ce jeudi en concert à Paris. Retour sur le jour où il est venu à Nova
Papier écrit il y a un an, lors de la venue de Mos Def à Nova
Nous avons beau recevoir des invités quotidiennement, force est d’avouer que certains changent la vie d’une radio. Certaines venues font date. Certains artistes rassemblent.
En ce 3 mars 2012 où nous attendons fébrilement la venue de Mos Def, l’équipe de Radio Nova a des étoiles dans les yeux.
Tout s’accélère très vite, vers 20h30. Coup de fil du management,« on peut être là dans 30 minutes ». Comme si on allait dire non. Une heure plus tard, c’est bien Mos Def qui déboule au 127 avenue Ledru Rollin. Enfin Mos Def… pas vraiment.
Mos Def, c’est l’ancien nom d’artiste de Dante Terrell Smith. Le MC de Brooklyn s’est converti à l’islam en 1999. S’il a gardé le pseudo de Mos Def jusqu’à récemment, il souhaite (exige, plutôt) maintenant qu’on l’appelle par son nom musulman : Yasiin Bey.
Yasiin entre dans le studio, son DJ s’installe aux platines. Yasiin sort son petit micro rouge à l’ancienne, son DJ fait craquer ses doigts. Sans qu’on ne lui ait rien demandé et alors que ça n’était pas prévu, ils improvisent un live d’une petite demi-heure. « Je ne sais pas, c’est venu comme ça, j’en ai eu envie. C’était le bon moment, le bon endroit ». Pas de problème ! Tu peux même revenir.
Pour resituer un peu, Mos Def est l’un des tout meilleurs rappeurs de l’histoire, au panthéon des MC’s conscients. Le haut du panier. Né en 73 à Brooklyn, New York, Dante commence sa carrière avec UTD (pour Urban Thermo Dynamics), le groupe qu’il fonde avec son frère et sa soeur. Une aventure éphémère, puis la collaboration avec De La Soul, qui le révélera en solo, et à un public plus large.
Viendra ensuite la rencontre qui changera sa vie, celle avec Talib Kweli ; ensemble, ils forment le duo Black Star qui écrira quelques unes des plus belles pages de l’histoire du hip hop, produit par le magistral DJ Hi-Tek. L’histoire du hip-hop se rappellera à jamais de « Respiration« , ou « Definition« .
En 1999, Mos Def se lance dans une carrière solo et sort le chef d’oeuvre « Black On Both Sides », un album militant, technique, drôle, conscient. Figurent, entre autres perles, « Umi Says », « Miss Fat Booty » (clip ci-dessous), ou « Mathematics« , produit par l’inégalable Primo, DJ Premier.
Mos Def est donc dans le studio de Nova, face à notre Mélanie Bauer nationale. Ca discute d’abord du changement de nom ; si Mos Def trouve sa spiritualité à l’aube des années 2000, il est alors en train de lancer sa carrière solo, après avoir sévi avec Talib Kweli sous le nom de Mos Def. Mauvais timing pour un changement de nom. « Je ne voulais pas avoir deux différentes identités, à l’instar de Kanye West, Kendrick Lamar ou Mohamed Ali. Mais le nom c’est votre héritage, votre lignée. Aujourd’hui, je veux que les gens sachent qui je suis vraiment ».
Qui il est, beaucoup de gens le savent. Il suffisait d’être au Bataclan vendredi dernier, pour un concert où, si le nom de Talib Kweli s’affichait en grand au dessus d’un petit Yasiin Bey, c’est bien ce dernier qui a tenu un concert de plus de deux heures. Tellement même que c’est le personnel du Bataclan qui a du venir dire aux artistes que bon, ça suffit maintenant.
Le bon endroit, le bon moment ? Probablement.
On voit rapidement que Yasiin Bey a la musique dans le sang. Il vit pour et par cette dernière. Il est de ceux que l’on pourrait appeler « les vrais artistes », ceux que l’on n’imagine pas qu’ils auraient pu devenir autre chose. Il ne chante pas parce que c’est classe, pour la lumière ou pour parader. C’est naturel, il est possédé par la musique. Chant, MCing… Les mots sortent tout seuls. Il s’est même brillamment imposé dans le 7ème art, notamment dans le « Be Kind rewind » de Gondry en 2008 (bande-annonce), ou dans la saison 6 de « Dexter » où il interprète Brother Sam (que je regarde actuellement, très bien).
Yasiin Bey était à Paris, il a choisi Radio Nova. Il nous a fait l’honneur d’un passage dans nos studios, d’un live impressionnant de fluidité, de classe, d’élégance.
Nous avons capturé ce moment de grâce, le 3 mars 2012, sur Radio Nova, à 21h30.
A revivre sur scène à Paris, Bataclan, ce jeudi 11 avril, avec le plus hip hop des pianos jazz, Robert Glasper.
Place à l’artiste.