Né à Yifat dans le province du Choa (Ethiopie) en 1935, Gétatchèw Mèkuria est initié dès sa plus tendre enfance aux instruments traditionnels de la corne de l’Afrique (krar, mèssengo…), mais c’est au saxophone qu’il se fait un nom. En 1948, alors âgé de seulement 13 ans, il intègre l’Orchestre municipal d’Addis-Abeba. C’est dans la décennie qui va suivre, en pleine vogue éthio-jazz qu’il insuffle un vent de liberté et une puissance de jeu que certains rapprochent du free-jazz naissant à New-York. Il s’agit en fait d’une relecture instrumentale des chants guerriers éthiopiens Shellèle dont une version enregistrée à la fin des années 50, apparaît en bonus sur la réédition de Son Negus of Ethiopian Sax. Comme quoi, à des milliers de kilomètres, des musiques peuvent avoir d’étranges similarités.
En juillet 1964, il rejoint le L’Orchestre de la Police au sein duquel il accompagne 36 ans durant les chanteurs Alèmayèhu Eshèté, Hirout Béqélé et Ayaléw Mèsfin.
Musicien exigeant, il a inspiré de nombreux bands à travers le monde. Les Parisiens d’Akalé Wubé ont emprunté leur nom au titre d’un de ses morceaux. A Amsterdam, les punks hollandais de The Ex, férus de musiques éthiopiennes comme en témoigne quelques signatures de leur label (TERP) l’ont même invité à se produire en 2004 lors d’un festival qu’il organisait. De là, nait une complicité entre le saxophoniste et les musiciens de The Ex. « C’est parti de lui » confie le band dans un communiqué paru hier et annonçant le décès de leur ami. « Il disait retrouver chez nous, l’esprit des premiers groupes auquel il a participé. ». Gétatchèw Mèkuria reviendra afin d’enregistrer à leur côté Moa Anbessa, un album fougueux paru en 2006.
Une tournée s’en suit. Le 8 décembre 2007 annoncé aux 29ème Transmusicales de Rennes, leur concert scotche littéralement le public de la mythique salle rennaise de la Cité. L’énergie du combo et l’euphorique puissance de jeu du saxophoniste font mouche. On les verra dans de nombreux festivals dont Fiest’à Sète (le 4/08/2009). Y’anbessaw Tezeta, un second album paraitra en 2012, trois ans après un DVD réalisé par Stéphane Jourdain, intitulé 11 éthio-punk songs.
Il vivait toujours à Addis-Abeba où il se produisait encore de temps à autre dans les hôtels de la ville comme le Sunset Bar du Sheraton Hotel. « La dernière fois que nous avons joué avec Gétatchèw, c’était au National Theater d’Addis-Abeba, devant environ 1500 personnes. Il était fatigué et a passé tout le concert assis. Etrangement, son jeu n’a jamais été aussi puissant » ajoutent les musiciens de The Ex. « C’est une source d’inspiration éternelle. Il nous manquera. ».