La chronique de Jean Rouzaud
Dans les années 80, Azzedine Alaïa m’avait permis de connaître Peter Lindbergh, photographe de mode allemand, qui libérait la mode de son côté léché et bourgeois…
Models sans paillettes
Ses photos noir et blanc, naturelles comme des reportages, montraient les top models de manière crue, peu maquillées, dans des décors extérieurs d’usines, de cirque, de friches industrielles…
Et comme Azzedine, les filles l’adoraient pour son naturel, son côté brut et cool… Et son efficacité ! Lui aussi avait étudié l’Art, avant de vivre de photos, et ça se voyait, le hissait au-dessus des autres.
La mode qui tente désespérément de se raccrocher à L’Art qu’elle n’est pas, trouvait avec lui un semblant de vérité, de force humaine.
L’institut Giacometti vient de l’inviter à photographier les œuvres du sculpteur de « l’homme qui marche » et des bustes étroits, en misant sur son sens du noir et blanc, du volume dans des lumières naturelles, de l’expression et des cadrages simples et forts.
Dans ses portraits, Alberto Giacometti travaille aussi en monochrome, noir et blanc ou brun et gris, avec absence de décor, de face, sans concession : juste des formes retravaillées comme dans ses sculptures en terre modelée (parfois coulées en bronze), toujours filiformes.
Les sources d’inspiration de Giacometti viennent des Étrusques (quelques rares statues en fer), et aussi de la Grèce archaïque, des Cyclades… Lui aussi avait refusé Cubisme et Surréalisme à la mode, pour tracer sa voie brute, formelle, loin des codes en vigueur…
Ces deux cas isolés sont réunis à l’institut Giacometti à Paris : pour rendre l’austère Giacometti plus mode, ou pour rappeler qu’un bon photographe de mode peut photographier l’Art ?
Alberto Giacometti – Peter Lindbergh. Saisir l’invisible, Fondation Giacometti, di 22 janvier au 24 mars 2019, Commissaire : Serena Bucalo-Mussely
Visuel en Une (c) Peter Lindbergh Homme qui marche I Paris 2017 Courtesy Peter Lindberg © Succession Alberto Giacometti Paris Adagp Paris 2019