RIP Diabolik.
C’était la Bible du punk à chiens. Le dress code du fan de ska, de reggae ou de rock festif. Goéland distribuait depuis 1990 t-shirts de groupes, sweats à messages engagés (anar et antifas) et accoutrements à caractère humoristique. Il vient aujourd’hui d’arrêter son activité. “Nous avons fermé. Autrement dit : Goéland, aujourd’hui, c’est fini. Ce n’est pas une blague, le concert est terminé”, peut-on lire sur leur site.
Ceux qui ont grandi dans les années 90 se souviennent forcément de ces t-shirts “Attention chute de vache” et autres “Sauve un arbre, mange un castor”. Derrière le folklore des slogans de Goéland (dont la devise était “S’habiller de la crête aux pieds”), c’est mine de rien un pan de l’histoire des cultures alternatives et de l’adolescence qui disparaît.
L’histoire commence en 1989, alors que François Gondry, le fondateur de Goéland, est bassiste du groupe de punk français Ludwig Von 88 (François est aussi le frère du réalisateur Michel Gondry). Après une tournée au Québec, il décide de produire lui-même les t-shirts du groupe pour les vendre en concert. Il raconte cette époque sur le site de Goéland, désormais inaccessible :
“Au début c’est dur, les mains, les tee-shirts et la salle de bain sont pleins de tâches, mais ça vient relativement vite et je modifie ma machine pour pouvoir faire jusqu’à 3 couleurs. Le stand de tee-shirts des Ludwig impose avec tous ses modèles, les groupes avec qui nous tournons, me demandent de leur faire des tee-shirts… Bérurier Noir, Parabellum, Les Wampas… Je bosse comme un tordu, jours et nuits, entre les concerts des Ludwig, pour livrer à temps avant les départs en tournée des groupes.”
Bérurier Noir, Wampas et Assassin
L’activité s’élargit donc, et François Gondry devient rapidement l’imprimeur de t-shirt fétiche de la scène punk et alternative française. En 1992 arrivent les premiers t-shirts politiques. “À bas toutes les armées”, “Destroy Fascism”… qui resteront des classiques du catalogue. C’est à la même époque que paraît le premier catalogue papier, une feuille A4 photocopiée et pliée en deux. Goéland est alors au catalogue La Redoute ce que les fanzines sont à la presse mainstream. C’est le début de la vente par correspondance.
Au fil des années, le catalogue s’étoffe pour devenir un vrai bottin bien fourni, livré directement dans les boîtes aux lettres (nombre d’adolescents des années 90 se souviendront de l’émotion à la réception de chaque nouvelle édition. C’était un monde qui s’ouvrait sur des nouveaux patchs à tête de mort ou des nouvelles casquettes contestataires). En 1998, Goéland s’ouvre au hip-hop, avec notamment des t-shirts Assassin. À cette époque, Goéland a aussi lancé sa propre marque depuis plus de trois ans : Diabolik. La machine est en route, le business de la contre-culture s’enflamme comme une bolasse lancée à pleine allure.
Décembre 2000 : premier site internet, goeland.fr. 2002 : ouverture de la première boutique physique, “La Boutik”, rue Keller, dans le XIe arrondissement de Paris. En 2008, le Goéland emploie 60 personnes, et possède 5000m2 en deux locaux, ainsi que trois boutiques à Paris, Montpellier et Nantes. La diversification continue, vient la partie webzine et production de vidéo avec Goéland TV en 2009.
Salut à toi, le punk
Mais en 2010, c’est la crise pour les keffiehs. Les t-shirts “(R)Évolution” et “Banana splif” ne se vendent plus si bien. La boutique de Montpellier ferme, tout comme l’atelier d’impression dont l’ensemble du personnel est licencié. En 2014, le magazine StreetPress s’inquiétait déjà des difficultés économiques de cet “incontournable du merchandising pour ados rebelles”. À peine un mois après, la “Boutik” parisienne fermait. Aujourd’hui transformée en Leader Price.
Le site internet vient de cesser toute activité. Ne reste en ligne plus qu’un logo “Goéland RIP 1990-2017” ainsi qu’un message adressé aux fidèles : “Salut à toi le punk, salut à toi le métalleux, salut à toi le rasta, salut à toi le teuffeur, salut à toi le hippie, salut à toi l’écolo, salut à toi l’antifasciste, salut à toi le rockeur”.
Visuel : (c) Goëland