Kanye West, maître sampleur.
Il y a dix ans, au moment de la sortie du Graduation de Kanye West, on parle sans doute davantage du clash qui oppose le geek Kanye au gangsta Fifty, dans un premier temps du moins, que du contenu net du disque. Tout en haut de l’Olympe, trône en effet à ce moment-là 50 Cent, le rappeur pare-balles du Queens, qui sort du succès, massif, de ses deux albums Get Rich or Die Tryin’ et The Massacre, très vendus parce qu’incarnant la résurgence du gangsta rap, adoubé par Eminem et produit par la légende de l’ouest Dr Dre, et parce que bourrés de tubes (« In Da Club », « P.I.M.P. », « Candy Shop »…) Kanye, lorsqu’il annonce que son album sortira le même jour que celui de 50 – le 11 septembre -, fait alors figure d’oustider. Mais d’outsider suffisamment sérieux pour braquer l’ego de Curtis James Jackson, qui assure que si Kanye vend plus d’albums que lui sur ce coup-là, il arrêtera la musique. Challenge accepté.
On connaît la suite : Kanye vend effectivement plus de disques que Fifty (sur le territoire américain, pas sur le monde entier), ce dernier revient un peu sur ses propos, et l’ascendant, critique et commercial, de Graduation sur Curtis fait figure de passage de flambeau dans la catégorie hip-hop qui se booste l’ego et qui booste les ventes.
Stronger
Et si Graduation fonctionne autant, c’est autant par la qualité de ses featurings (Lil Wayne, Mos Def, T-Pain, DJ Premier, et même Chris Martin de Coldplay, dont la pop chambre n’est pas encore totalement devenue pop de stade) que par la qualité de producteur d’un artiste qui joue à fond la carte du groove vocodé, éclectique et sacrément jovial. Et puis, bien entendu, il y a le succès de « Stronger », qui confirme les qualités de sampleur fou du garçon, qui réutilise à son escient le « Harder, Bester, Faster, Stronger » des Daft Punk, et qui devient immédiatement un tube planétaire. Autres tubes « Everything I Am », «The Glory », « Homecoming »…Stronger, clairement.
Disque le plus pop et le plus vendu du géant mégalomane (qui se retrouvera même plus tard en featuring avec Dieu le Père sur l’excentrique « I Am God », c’est dire), Graduation – prédécesseur des planètes 808s & Heartbreak, My Beautiful Dark Twisted Fantasy, Yeezus et The Life of Pablo – fête aujourd’hui ses 10 ans. Et, parce que, on le disait, la place des samples est, chez Kanye, fondamental, on vous propose de fêter l’anniversaire de ce disque immense via ce mix proposé par Chris Read qui y convoque les samples les plus limpides de la carrière de Kanye Omari West. Et comme souvent, c’est via les excellents whosampled que ça se passe. Brillant.
Visuel : (c) Takashi Murakami