Le magazine Pitchfork fait le point.
Dans Bam Bam, Sophie Marchand et Jean Morel font leur focus du jour.
Hier, la Cérémonie des Oscars 2019 a vu le triomphe de Green Book, ce film qui raconte l’histoire vraie de la relation entre le pianiste noir américain Don Shirley et son chauffeur et garde du corps blanc Tony Lip. Ce que ce film raconte, surtout, c’est la vie impossible d’un musicien noir en tournée dans les années 60 aux États-Unis, sous les lois Jim Crow qui instituaient à travers le pays la ségrégation raciale. Et le « Green Book » dont parle ce film, c’est un guide, qui spécifiait quels endroits étaient autorisés pour les Noirs américains.
Mais derrière le film, derrière le scénario certes inspiré de la réalité mais un peu fictionné, il y a une histoire que le magazine Pitchfork a pris le temps de raconter. La véritable histoire des jazzmen noir-américains dans cette Amérique raciste et ségréguée.
Donnant la parole à des musiciens qui ont tourné avec John Coltrane, Herbie Hancock, Miles Davis, Cannonball Adderley, Dizzy Gillespie, on réalise ce que voulait dire, très concrètement, d’être un artiste victime du racisme banalisé. La difficulté qu’ils rencontraient pour se loger, pour se nourrir, pour se balader, pour accéder aux toilettes, aux transports – alors même que l’industrie musicale marchait notamment grâce aux talents de ces artistes noir-américains.
Ce que l’on apprend aussi c’est que le Green Book, évoqué dans le film, n’existait pas vraiment. Car combien de fois, ayant réservé une chambre d’hôtel, ces artistes se la voyait finalement refuser quand les réceptionnistes réalisaient qu’ils étaient noirs. Combien de restaurants ont refusé de les servir, combien de salles de concerts – qui faisaient pourtant jouer ces musiciens – ne laissaient pas entrer les spectateurs noirs ?
Ce que l’article rappelle enfin, et reproche au film Green Book, c’est de mettre en avant un homme – un blanc – qui serait venu à la rescousse de l’artiste Don Shirley maltraité – formalisant la figure du White Savior – comprendre le « sauveur blanc ». Alors que la réalité de ces musiciens, c’est une violence quotidienne, répétée, physique, mentale, épuisante – que le Civil Rights Acts, censé abolir les lois racistes, n’a même pas réussi à conjurer.
L’article remet les idées en place, et donne quelques clés aussi pour comprendre l’Amérique de Trump – et il est à lire sur le magazine Pitchfork. En attendant un des musiciens qui s’est battu tout sa vie contre ce racisme – Cannonball Adderley, immense jazzman, qui un jour était invité à jouer à Baltimore. Et a réalisé que seuls les Blancs avaient autorisé à le voir jouer. Et qui a donc refuser de jouer. On écoute sa reprise du standard « Love For Sale ».
Bam Bam, c’est le Bureau des Affaires Musicales de Radio Nova, animé par Sophie Marchand et Jean Morel, du lundi au vendredi sur Nova.
Visuel (c) Green Book