Faut-il franchir certaines frontières pour alerter sur l’horreur des crises migratoires ? Définitivement oui.
Il y a quasiment deux ans, la guerre en Ukraine éclatait. Les images de destructions sont restées dans les mémoires, pas celles d’une population fuyant son pays. Le principe d’une instrumentalisation de ces migrants par les pouvoirs politiques encore moins. Green border ne se déroule pas si loin : à la frontière entre le Belarus et la Pologne. Là-bas, une famille de migrants syriens tentant de passer en Suède s’y retrouve ballottée, les gardes-frontière de chaque pays se les renvoyant tour à tour.
Agniezska Holland multiplie les points de vue (via cette famille, un jeune garde-frontière, des activistes) pour raconter l’horreur humanitaire. Green Border se pare de noir & blanc pour s’immerger dans cette zone grise, façonnée par des lois aussi ubuesques que xénophobes.
Holland la transforme en terrible examen de conscience, révélateur de la tragédie d’une impuissance citoyenne jusqu’à incarner littéralement le marécage répressif dans lequel l’Europe embourbe les migrants, parfois jusqu’à les en faire mourir.
Certains trouveront la méthode discutable. En Pologne, quand Green border est sorti à l’automne dernier, des membres du gouvernement alors en place l’ont d’ailleurs traité de pur cinéma de propagande. Holland en utilise effectivement certains traits dans sa dénonciation particulièrement appuyée. Mais c’est de bonne guerre, fut-elle trouble à jouer sur la corde du tragique et de l’insoutenable. Comment faire autrement pour pousser un retentissant cri d’indignation devant les choix politiques d’une désunion européenne ?
Résistant à la fureur des dirigeants du pays, le public polonais a fait un triomphe en salles au film, avant de chasser du pouvoir un parti de droit ultraconservateur, démonstration que tout n’est peut-être pas tout à fait perdu. Au-delà d’une puissance émotionnelle comme de réalisation, ce n’est qu’une raison supplémentaire de pousser à aller voir Green border, ici, dans une France qui s’apprête à vivre sous une loi immigration balafrant profondément sa devise, Liberté, Égalité, Fraternité.
En salles le 7 février.